Sur les flancs fendus de la montagne de Drakthorm, le ciel lui-même semblait forgé dans un métal noir. Des orages tournoyaient sans fin autour du sommet, et l’air portait une odeur de fer, de souffre et de promesses anciennes. Là-haut, au plus près des cieux et des dieux, les enclumes n’avaient jamais cessé de sonner.
Vaeldrik Hrothmar, le Forgeron mystique, achevait ce soir-là une œuvre dont les flammes avaient été nourries par les cendres d’un dragon et le souffle d’un chaman mourant. Il était grand, barbu comme les montagnes, et son corps semblait taillé dans le roc de ses propres forges. Dans son regard brûlait une sagesse millénaire, et une douleur qu’aucun feu ne saurait éteindre.
Autour de lui, les Veilleurs de Drakthorm psalmodiaient des litanies runiques, tandis qu’un éclat d’argent naissait sous le marteau de Vaeldrik.
— Par la volonté de Kharon et le silence d’Aeon Kaïros… que renaisse Andúrrak, la Lame des Échos, murmura-t-il.
Lorsque l’arme fut enfin soulevée, les vents se turent. Le feu se pencha en avant. Et le ciel lui-même sembla retenir son souffle.
Le lendemain, une caravane descendit de Drakthorm. À sa tête, Vaeldrik chevauchait karnos son destrier noir et aussi robuste que son maître. À ses flancs, une bannière d’un rouge profond battait l’air : le blason du Pacte du Feu Caché.
À Skarnjoll, le Conseil de Fer fut convoqué d’urgence. Atanael, Bjorn Hraldir, Sigrhild Varka, et désormais Yrva Stormkelda, toutes et tous se tinrent en demi-cercle autour de l’émissaire du feu.
— Je viens en allié, déclara Vaeldrik sans attendre qu’on lui parle. Les feux de Drakthorm ont vu les ténèbres ramper sous les montagnes. La pierre elle-même pleure. Les enclumes ont parlé : nous devons frapper, ensemble.
Bjorn se leva, pesant chacun de ses mots.
— Ce que vous forgez, forgeron, peut-il briser un démon ?
— Non, répondit Vaeldrik. Mais ce que je suis... peut éveiller des souvenirs enfouis dans le métal même des mondes. Je suis le Dernier Forgerêve. Et je peux réveiller les armes oubliées des Anciens.
Un silence se posa sur la salle. Puis Sigrhild s’approcha et posa sa main sur la table runique.
— Si Drakthorm offre un bras, Varkhalla en offre un autre.
— Et moi, une lame, déclara une voix nouvelle.
Une silhouette se détacha de l’ombre derrière Sigrhild. C’était une femme jeune, mais au port altier, les yeux aussi clairs qu’un fjord d’hiver. Elle portait une armure tissée de chaînes lunaires, et sa chevelure était ornée de dents de loup. Autour de son cou, un torque forgé dans un os de géant.
— Je suis Yrva Stormkelda, fille des neiges et une Ulfrdóttir. J’ai vu les feux danser sur les neiges éternelles. J’ai vu des ombres sortir des tombeaux scellés sous Varkhalla. Je viens en éclaireuse et en exécuteur.
Atanael l’observa longuement.
— Une Ulfrdóttir, comme Sigrhild ?
— Oui, répondit cette dernière. Et plus encore. Yrva est née d’un fille unique d’une oracle et d’un capitaine de navire. Elle parle aux vents, et les loups obéissent à ses murmures.
— Les loups, dit Vaeldrik en la fixant, ou quelque chose de plus ancien encore ?
— Les souvenirs du monde, répondit Yrva. Ce que vous appelez “bêtes” n’ont jamais oublié ce que nous avons tenté d’effacer.
Dans la nuit sacrée de Shibaya, sur la pierre de serment de Skarnjoll, trois coupes furent levées : une de sang, une de feu, une de glace.
Atanael parla le premier :
— Que ce pacte soit nommé Triforme, car il unit le marteau, la meute et la couronne. Que les fils du Nord ne soient plus divisés.
Vaeldrik :
— Que les armes que je forgerai soient dignes des noms que vous portez. Et que les dieux eux-mêmes se taisent devant leur chant et je vous promets que Drakthorm rejoindra bientôt ce Conseil
Yrva :
— Que les ombres se méfient, car même les plus noires doivent craindre le vent des cimes.
Puis Sigrhild, sans cérémonie, posa la lame runique de sa famille sur l’autel.
— Et si nous tombons… qu’Argone apprenne qu’aucune tombe ne saura contenir la fureur des Ulfrdóttir.
Ainsi naquit le Pacte Triforme, alliance ultime du Nord. Tandis que Baal’Zherak rassemblait ses noviens dans les entrailles d’Yrnmaul, le tonnerre répondit à l’appel du fer, et les ombres s’agitèrent dans leurs tanières.
Car la guerre approchait.
Et cette fois, les flammes seraient guidées par la mémoire des mondes.
9ème Legacy – Shael’thor sous la menace
La nuit était lourde sur Shael’thor. Un vent funeste balayait les plaines d'Elvas et s’engouffrait dans les ruelles des cités fortifiées, charriant avec lui les murmures d’un mal rampant. L’éclat pâle de la lune projetait des ombres sinistres sur les murailles, comme si les ténèbres elles-mêmes prenaient vie.
Au coeur du Shael'Kaethryn d'Elvas, Aethel se tenait droit, drapé dans son manteau de guerre, le regard rivé vers l’horizon. Ses traits, forgés par les batailles et les années, portaient la marque du fardeau d’un roi.
— "Les ténèbres s’étendent, plus insidieuses que jamais."
La voix grave de son fidèle conseiller, Kaërim Sarh'Zun, brisa le silence. Le vieil homme, vêtu de noir, se tenait à quelques pas, une carte déroulée entre ses mains usées.
— "Dreylorn se fragmente, mais cela ne signifie pas que notre ennemi s’affaiblit."
Aethel tourna enfin la tête, scrutant la carte où les trois fronts du conflit étaient marqués d’encre sombre.
— "Kaelar… Elvastar… Yrwood…" Il énuméra les noms d’une voix dure. "Trois fronts, trois menaces, et une seule armée pour y faire face."
Il inspira profondément, sentant le poids du devoir peser sur ses épaules. Dreylorn, jadis un seul fléau, était devenu une hydre aux têtes multiples.
Les ténèbres divisées : L’armée de Dreylorn
Kaelar. Les souterrains de la montagne résonnaient des hurlements de damnés et des cris féroces des bandits. Au cœur de ce chaos, Valhoryn Kaëdrak, vêtu d’une armure d’ébène, se tenait sur un promontoire de roche, scrutant ses hommes avec un regard de braise.
— "Nous sommes l’ultime tempête !" hurla-t-il, sa voix résonnant dans les ténèbres. "Argone nous a montré la voie, et c’est par le sang que nous purifierons ce monde !"
Ses partisans rugirent, frappant leurs lames rouillées contre leurs boucliers. Morts et vivants confondus, ils formaient une horde terrifiante, un amalgame de cauchemar et de fanatisme.
Plus loin, dans les carrières d’Elvastar, le chaos régnait. Les cris des travailleurs enchaînés se mêlaient au râle sinistre des morts-vivants. Chaque jour, les bandits pillaient, les revenants exécutaient, et la peur gangrenait la pierre même des mines.
Dans la forêt d’Yrwood, les survivants de Dreylorn n’étaient pas en paix. Les arbres murmuraient les noms des disparus, et les ombres entre les troncs semblaient animées d’une volonté propre. Des silhouettes macabres se fondaient dans la brume, tandis que des veilleurs épuisés luttaient pour tenir leurs positions.
Le choix du Roi : La campagne d’Elvastar
— "Nous frapperons en Shibaya."
Aethel posa un doigt sur la carte, désignant les carrières d’Elvastar.
— "Si nous brisons leur emprise ici, nous regagnerons la confiance de notre peuple et leur arracherons un bastion stratégique."
Kaërim acquiesça lentement.
— "Une victoire en Shibaya pourrait redonner espoir aux réfugiés… mais vous le savez, Valhoryn ne restera pas inactif."
Le roi ne détourna pas le regard.
— "Nous ferons ce que nous avons toujours fait, Kaërim."
Il saisit la garde de son épée et la tira lentement de son fourreau.
— "Nous brûlerons les ténèbres."
Le vent s’intensifia, hurlant à travers les tours du palais, comme si le destin lui-même frémissait à l’approche de la bataille.
Valgor, sous la lueur funeste des lunes jumelles, s’enfonçait dans une torpeur étrange. Les ruelles pavées, autrefois bruissantes des voix des marchands et des rires d’enfants, étaient devenues des couloirs d’ombres et de silence. Chaque nuit, un murmure spectral s’élevait des collines embrumées, une mélodie sinistre qui envoûtait ceux qui l’entendaient.
Les Noviens, veilleurs des âmes errantes, avaient sauvé les enfants, mais ils ignoraient qu’ils laissaient derrière eux un mal plus pernicieux. Les adultes de Valgor, fascinés par ces chants d’origine inconnue, disparaissaient un à un dans l’obscurité. Aucun cadavre. Aucun cri. Juste des maisons vides au matin et un silence pesant.
Dans le Shael'Kaethryn de Valgor, les anciens de Valgor étaient réunis en cercle, leurs visages marqués par l’inquiétude. La lueur tremblotante des torches révélait leurs traits fatigués.
— "Les Noviens ont fait leur devoir," déclara le vieux prêtre Aldrion, "mais ce mal dépasse l’entendement. Les enfants sont sauvés, mais nous, nous sommes condamnés."
— "Ce ne sont que des rumeurs !" répliqua une femme, la voix empreinte de peur. "Des superstitions que les réfugiés colportent pour expliquer des disparitions banales."
— "Banales ?" gronda un homme à la barbe grisonnante. "Mon propre frère a entendu ces chants et il n’est jamais revenu. Aucun des disparus ne l’est."
Un silence lourd s’installa. Tous savaient que les disparus ne reviendraient pas.
— "Nous devons bâtir un temple pour Shibaya," reprit Aldrion, "sa bénédiction purifiera ces terres."
Un murmure d’approbation parcourut l’assemblée, mais un jeune homme secoua la tête.
— "Le temple est une solution à long terme. Mais qui nous protège, cette nuit ? Qui nous empêche d’être les prochains à suivre ces chants ?"
Le silence s’étira, jusqu’à ce qu’un nom soit soufflé parmi eux.
— "Valhoryn Kaëdrak."
Valhoryn et les Mines de Kaelar
L’homme à l’armure noire quitta Valgor sans un regard en arrière. Il avait accompli son devoir en protégeant les enfants, mais la guerre qu’il livrait était ailleurs.
Alors que son destrier foulait les sentiers rocailleux de Kaelar, il ne put ignorer la sensation d’une menace invisible planant au-dessus de la ville qu’il venait d’abandonner.
Le roi Aethel l’avait appelé. L’hydre de Dreylorn réclamait du sang et Valhoryn était l’un des rares capables de mener une telle bataille.
Mais au fond de son âme, une voix lui soufflait qu’il laissait Valgor sans défense face à quelque chose de bien pire.
Brillendal, cité de lumière et de pierre, tremblait sous une ombre invisible. L’aube d’Irkay 9 se levait sur une potence fraîchement érigée, dont le bois imprégné d’encens divin exhalait une odeur de purification. Une seconde potence, dressée au nom de la justice, mais chargée d’une intention bien plus sombre.
Au sommet des marches du Shael'Kaethryn, Vael’rrash Thir’zahor, le prophète de l’ordre implacable, leva les bras vers le ciel teinté d’or et de pourpre.
— "Voyez, habitants de Brillendal, comme la lumière d’Irkay embrasse notre volonté !" Sa voix portait loin, s’infiltrant dans les âmes troublées de la foule. "Nous avons chassé les ténèbres par le feu, et aujourd’hui nous consacrons cette potence non comme un instrument de mort, mais comme une promesse. Une promesse que la corruption ne survivra pas en ces murs."
Un silence tendu suivit. Puis des acclamations s’élevèrent, portées par la ferveur ou la crainte.
Mais au loin, sous les ombres des tours, un homme observait, les bras croisés. Kael’Thar Shaar’thul, le murmure des bas-fonds, l’épine dans le flanc du prophète. Il tourna son regard vers Lethian, son fidèle allié, qui serrait le pommeau de sa dague.
— "Regarde-les," souffla Kael’Thar, "ils crient son nom comme s’il était un dieu. Ils ne voient pas le joug qu’il leur passe autour du cou."
Lethian hocha la tête, le regard sombre.
— "Trois legacies. C’est tout ce qu’il lui a fallu pour sanctifier un gibet au nom d’Irkay." Il marqua une pause. "S’il pend nos frères aujourd’hui, demain ce sera notre tour."
Kael’Thar posa une main sur son épaule.
— "Alors nous devons agir. Nous devons être le bras de l’insurrection avant que ses chaînes ne deviennent indestructibles."
Non loin de là, dans la fonderie sanctifiée, Syris l’Alchimiste préparait les flammes d’Irkay. Devant lui, un corps sans vie, le cou brisé par la corde, était prêt à être incinéré.
Il murmura une prière en versant une huile dorée sur la dépouille.
— "Que la lumière consume ce qui est impur, et que l’âme retrouve le cycle de l’existence."
Les flammes s’embrasèrent, dévorant le corps en une éruption éthérée. Pourtant, une étrange amertume persistait en son cœur.
Combien encore de condamnés allait-il purifier ? Combien d’innocents brûleraient au nom d’une justice qui n’avait plus de visage, seulement une corde et du feu ?
Irkay 9 s’élevait sur les monts de Karazorn, projetant une lumière éclatante sur les mines d’or récemment rouvertes. Là, entre les crêtes rocheuses et les galeries sombres, un ballet incessant d’hommes et de femmes s’organisait, maniant pioches et chariots dans une euphorie teintée d’espoir. Le vilalge de Tor-Kalder devenait de plus en plus animé.
Des familles venues d’Eldrastor, des exilés des terres troublées, et même d’anciens réfugiés de Valgor avaient trouvé ici un nouveau départ. Loin des murmures inquiétants des Chants du Néant, Karazorn représentait un sanctuaire fragile, un dernier bastion où la promesse d’une vie meilleure brillait sous chaque coup de pioche contre la roche.
— "Tiens bon, Arven, encore un peu et nous aurons de quoi payer notre propre toit."
Une femme au visage marqué par la fatigue, Lyria de Valgor, essuyait son front couvert de suie en adressant un sourire encourageant à son époux. Autour d’eux, les mineurs chantaient, leurs voix résonnant dans l’obscurité des tunnels comme un défi lancé aux ténèbres.
Mais à la surface, un autre regard observait la scène avec prudence.
Edran, le contremaître de Karazorn, scrutait les hauteurs avec une inquiétude à peine dissimulée. Si l’or coulait à nouveau dans la vallée, il savait que la fortune attirait autant les âmes en quête d’espoir que celles qui ne recherchaient que la destruction.
Un éclaireur vint à lui, essoufflé.
— "Toujours rien à signaler ?" demanda Edran, le regard rivé vers l’horizon.
— "Non, mais… il y a quelque chose d’étrange. Certaines nuits, des mineurs jurent entendre une mélodie portée par le vent. Une sorte de chant, lointain."
Un frisson remonta le dos d’Edran.
— "Valgor est loin d’ici."
— "C’est ce qu’on croyait."
Les Chants du Néant avaient-ils suivi les exilés ?
Dans l’obscurité des mines, sous les promesses dorées, les ombres, elles, n’avaient jamais cessé d’écouter.
Les tambours de guerre résonnaient dans les carrières d’Elvastar, battant le rythme d’un combat imminent. Le ciel de Shibaya embrasait l’horizon d’une lueur sanglante, tandis que les troupes d’Aethel se préparaient à frapper.
Au sommet d’un promontoire rocheux, le roi Aethel observait les forces ennemies en contrebas, un mélange hétéroclite de morts-vivants et de bandits. L’armée corrompue de Dreylorn, privée d’un véritable commandement, se disloquait peu à peu, mais restait dangereuse. Aethel savait que cette bataille devait être rapide et décisive.
À ses côtés, Kaërim, son fidèle éclaireur, et Liora, l’ombre dans la nuit, attendaient leurs ordres.
— "Liora, tu connais ta mission. Infiltre les carrières, sème la discorde, frappe dans l’obscurité."
Un sourire effleura les lèvres de la jeune femme de retour de Valgor, dont le moral était au plus haut suite aux récentes festivités.
— "Kaërim, tu pars immédiatement avec quelques hommes pour Sylvanis. Trouve Kaelhor et Ilana. Nous aurons besoin de leur force pour ce qui suivra."
Le guerrier hocha la tête, ajusta son casque et s’élança sans un mot, guidé par la conviction que Dreylorn tomberait bientôt sous les coups de leur vengeance.
La nuit enveloppait les carrières lorsque Liora s’introduisit silencieusement derrière les lignes ennemies. Les bandits, sûrs de leur supériorité, festoyaient sur les richesses pillées aux villages alentour. Elle glissa entre les ombres, dérobant une dague ici, tranchant une gorge là, semant un chaos silencieux.
Puis, elle trouva les réserves d'alcool et d’huile, et y mit le feu.
Une détonation assourdissante éclata dans les entrailles de la carrière. Des hurlements suivirent, des corps enflammés dévalèrent les pentes, et dans la confusion, l’armée d’Aethel lança l’assaut.
— "POUR AETHEL ! POUR LA LUMIÈRE DE SHIBAYA !"
Les étendards du roi s’abattirent sur l’ennemi comme un jugement divin. Ce n'était pas une bataille rangée mais un massacre. La récente fosse commune érigée dans la nuit permit de s'assurer qu'Argone ne fasse pas de ces bandits, de nouvelles légions ténébreuses.
Lorsque Kaërim arriva à Sylvanis, le village n’était plus que l’ombre de lui-même. Jadis bastion de résilience face aux ténèbres, il était désormais hanté par une peur sourde. Les habitants, cloîtrés dans leurs demeures, chuchotaient des prières à Shibaya, espérant que l’aube dissiperait les ombres qui pesaient sur eux.
Dans l’auberge du Croissant d’Argent, Kaelhor et Ilana attendaient.
Kaelhor jouait de sa dague sur sa table en réfléchissant à Valgor ainsi qu'à Dreylorn. Ses yeux, d’un brun ténébreux, se posèrent sur Kaërim avec une intensité scrutatrice.
— "Alors, Aethel vit encore ?" demanda-t-il d’une voix grave et amère d'avoir le sentiment que le roi avait abandonné Dreylorn la condamnant non seulement à la famine mais à Argone lui même.
Kaërim s’approcha, secouant la poussière de son manteau.
— "Non seulement il vit, mais il triomphe." Un sourire fugace étira ses lèvres. "Elvastar est tombée. Les ténèbres vacillent. Et il fait route pour Dreylorn. Il est temps de frapper !"
À ces mots, Ilana redressa la tête. Vêtue d’un cuir sombre, sa silhouette élancée dégageait une aura de grâce et de détermination. Ses longs cheveux noirs, tressés selon la tradition des éclaireurs de Sylvanis, encadraient un regard perçant.
— "Tu veux que nous nous jetions tête baissée dans la gueule du loup ?" demanda-t-elle, sceptique.
Kaërim posa un parchemin sur la table. Une carte détaillée des environs de Dreylorn, annotée des failles et des positions des morts-vivants.
— "Pas tête baissée, Ilana. Mais avec la précision d’une dague dans la nuit."
Kaelhor éclata de rire.
— "Hah ! Voilà un langage que je comprends. On coupe la tête et on laisse le corps s’effondrer."
Ilana croisa les bras, hésitante. Elle avait vu trop de batailles se perdre sur un excès d’assurance.
— "Et si Aethel tombe ? S’il n’arrive pas à tenir après Elvastar ?"
Kaërim posa un poing sur la table, son regard brûlant de conviction.
— "Alors nous tombons avec lui. Mais pas sans nous battre."
Un silence s’installa. Puis, Kaelhor tapa du poing.
— "Ilana, fais rassembler nos éclaireurs. Nous marchons sur Dreylorn."
Au nord-est de Dreylorn, Kaërim et ses hommes s’enfoncèrent dans les collines brumeuses. Les morts-vivants, dépourvus d’âme et de stratégie, erraient comme des spectres, gardant les ruines d’une ville autrefois prospère.
À la première lueur de l’aube, les flèches des éclaireurs de Sylvanis fusèrent.
Kaëlhor, avec une hache à deux mains, abattit les premières créatures, ouvrant une brèche sanglante. Ilana, agile comme un serpent, frappait les points vitaux des abominations, tranchant tendons et colonnes vertébrales d’un seul geste.
Kaërim menait la charge, son épée embrasée par la lumière d’Irkay.
À l’autre bout de la ville, Aethel arrivait, fort de sa victoire à Elvastar.
Liora, tapie dans les ombres, avait déjà préparé son œuvre destructrice.
À son signal, des explosions retentirent dans les bâtiments infestés de morts-vivants, réduisant leurs rangs et semant une panique que ces créatures, privées de raison, ne pouvaient comprendre.
Puis, Aethel leva son épée vers le ciel.
— "POUR LA LUMIÈRE !"
Ses troupes déferlèrent sur Dreylorn, écrasant ce qui restait des forces d’Argone. Pris en tenaille entre les éclaireurs de Kaërim et l’armée d’Aethel, les morts-vivants furent anéantis sous la lumière dorée d’Irkay.
Lorsque le dernier monstre s’effondra, un silence presque irréel s’abattit sur Dreylorn.
Les premiers rayons du soleil caressèrent les pavés ensanglantés. La ville, souillée par l’ombre, renaissait sous la lumière.
Aethel observa Kaërim, Kaëlhor et Ilana, réunis sur les hauteurs de la ville. Il savait que sans eux, cette victoire n’aurait jamais été possible.
Dreylorn était libérée. Mais la guerre était loin d’être terminée.