Le Waryaume tremble sous les nouvelles alliances, les vestiges du passé s’effondrent tandis que renaissent des bastions de lumière et d’espoir. Dreylorn, autrefois un cimetière de pierre et de silence, où la terre elle-même semblait maudite par l’ombre d’Argone, s’éveille enfin sous la bénédiction d’Irkay.
Les grandes murailles noircies par les siècles de guerre et de désolation sont peu à peu restaurées, lavées des impuretés du temps et des souvenirs maudits qui les hantaient. Le Temple d’Irkay, longtemps un chantier désolé au cœur de la ville, voit enfin son sommet s’illuminer de flammes sacrées. Ses colonnes massives, sculptées dans un marbre veiné d’or, portent désormais les chants et prières de ceux qui refusent de succomber à la nuit.
Les prêtres et guérisseurs, inspirés par cette renaissance, font de Dreylorn un centre de soins et de régénération, attirant pèlerins, érudits et guerriers fatigués par les conflits incessants. Kaelhor, un chef respecté, devient le ciment de cette nouvelle union. Son serment d’allégeance au roi Aethel est plus qu’un simple pacte politique : c’est une déclaration solennelle, un engagement à préserver la lumière contre l’éternelle menace des ténèbres.
Pendant ce temps, Ilana, drapée dans des étoffes aux reflets argentés, poursuit son pèlerinage entre Sylvanis et Dreylorn. Sous la bénédiction de Shibaya, elle incarne l’équilibre entre la lumière et la nature, prodiguant soins et rituels de communion à ceux qui cherchent à renouer avec le monde vivant.
Dans les temples de Sylvanis, elle apprend les secrets des anciennes traditions sylvestres, et à Dreylorn, elle murmure des prières aux âmes errantes qui, jadis, furent les victimes d’Argone. Son rôle dépasse celui d’une simple guérisseuse : elle devient un symbole de réconciliation, une médiatrice entre l’essence d’Irkay et la sagesse de Shibaya.
Avec Dreylorn désormais sous son influence, Aethel gagne en puissance et en prestige. Ce rattachement n’est pas qu’une victoire territoriale : il prouve que la lumière d’Irkay peut triompher même sur les terres les plus souillées par les ténèbres. Le roi Aethel, fort de cette nouvelle acquisition, s’impose comme une figure incontournable dans le Waryaume.
Mais les ombres rôdent toujours. Car si Dreylorn renaît sous l’étendard d’Irkay, d’autres régions s’agitent dans la discorde et le doute. L’avenir d’Aethel sera-t-il celui d’un empire rayonnant ou d’un royaume sans cesse défié par l’ombre renaissante ?
Brillendal, jadis une cité vibrante, berceau des érudits et des rêveurs, n’est plus qu’un tombeau à ciel ouvert. Ses ruelles pavées, autrefois bordées d’échoppes et de sanctuaires, résonnent du silence pesant de la mort. La Peste Noire, vorace et impitoyable, s’est abattue sur la ville comme une malédiction de l’Ombre d’Argone. Les grandes places où résonnaient les sermons et les promesses d’un avenir radieux sont désormais jonchées de corps, tandis que des torches faiblardes projettent des ombres vacillantes sur les murs suintants d’humidité.
Et pourtant, au milieu de cet enfer, une voix ne vacille pas.
Au sommet du Temple de Kaïros, à l’abri des vents mauvais qui charrient l’odeur de la mort, Vael’Rrash, prédicateur d’Aethel, contemple son royaume brisé. Drapé d’une robe d’un blanc désormais terni par la poussière et la suie, il serre dans sa main un sceptre d’onyx, symbole de sa foi inébranlable en Kaïros et en l’équilibre du temps. Ses traits sont creusés par l’épuisement, mais ses yeux, eux, brûlent encore de cette flamme sacrée qui refuse de s’éteindre.
Derrière lui, un homme s’approche dans un froissement de tissu. Elessar, son fidèle lieutenant, un guerrier au visage marqué par les combats et la privation, s’incline légèrement.
— Brillendal s’effondre, maître. La peste a emporté plus de la moitié de la population. Les survivants errent comme des ombres, et l’ordre…
Il s’interrompt, hésitant, avant d’ajouter d’une voix plus sombre :
— L’ordre ne tient plus qu’à un fil.
Vael’Rrash tourne son regard vers l’horizon, là où les brasiers des crémations collectives illuminent la nuit d’une lueur sinistre. Il sait que la cité est au bord du gouffre, que les pillards et les affamés, plus désespérés que jamais, se rassemblent dans l’ombre, prêts à s’entredéchirer pour un morceau de pain rassis.
Et il sait aussi qui a provoqué cela : Kael’Thar Zal’Ir, le Faucon aux Promesses d’Or
Dans les bas-fonds de Brillendal, loin des couloirs sacrés du temple, Kael’Thar Shaar’thul, ou Kael’Thar Zal’Ir, se pavane parmi les foules démunies, le sourire aux lèvres, la main tendue vers ceux que la peste n’a pas encore fauchés. Il promet des richesses, du travail, une nouvelle Brillendal où les faibles et les oubliés auront leur place. Mais chaque promesse qu’il sème est un poison qui gangrène la cité.
Dans une auberge aux murs noircis par les flammes d’anciennes émeutes, il se tient devant un groupe d’hommes et de femmes aux regards affamés. Son manteau d’un rouge profond glisse sur le sol crasseux tandis qu’il lève une coupe d’argent.
— Regardez autour de vous ! tonne-t-il, sa voix emplissant la pièce comme une vague prête à tout emporter. Voyez ce qu’ils ont fait de notre ville ! Où est Vael'Rrash, à présent ? Où est votre précieux Kaïros, alors que vos enfants meurent dans les caniveaux ?
Un murmure d’approbation parcourt l’assemblée. Il les tient, il le sait. Leur colère est sa force, leur détresse son arme.
— Je vous le dis… poursuit-il en posant la coupe sur la table, Brillendal peut renaître, mais pas sous le joug de ces prêtres et de leurs dogmes. Nous forgerons notre propre avenir, et ceux qui s’accrochent encore aux vieilles chaînes tomberont avec elles.
Vael’Rrash sait que Kael’Thar n’est pas un homme à sous-estimer. Il est un prédateur, un stratège, un homme qui tisse ses intrigues avec la patience d’un serpent lové dans l’ombre.
Mais la peste, le chaos, les pillages… tout cela pourrait être son atout. L’anarchie qu’il a laissée prospérer pourrait devenir son propre linceul.
Se retournant vers Elessar, le prédicateur murmure, son regard glacé fixé sur la ville en contrebas :
— Que l’ordre vacille, qu’ils sentent la morsure de l’abîme sous leurs pieds… Et alors, nous serons là pour les relever. Kael’Thar veut jouer avec le feu ? Nous lui montrerons ce qu’est une véritable conflagration.
Le vent hurle à travers les colonnes du temple, emportant avec lui la promesse d’un affrontement imminent.
Dans la nuit de Brillendal, deux étoiles brûlent. Une d’or et de lumière, l’autre d’ombre et de perfidie. Seul le temps—et Kaïros lui-même—décidera laquelle survivra.
La ville de Valgor, perchée sur les rives brumeuses du fleuve Ylmir, était autrefois une perle d’harmonie où les marchés résonnaient de mille langues, où les pavés usés par le temps portaient la trace de générations d’hommes venus de tous horizons. Noviens et Eldoriens, jadis alliés par nécessité, se regardaient à présent en chiens de faïence, leurs rancœurs nourries par des siècles de guerres et de trahisons.
Les Shael’ir, gardiens silencieux de la ville, restaient immobiles dans leurs tuniques d’obsidienne, observant l’orage gronder sans lever le petit doigt. Ils étaient les juges muets d’un monde qui s’effritait sous leurs yeux.
Et au cœur de cette poudrière, Thaldris luttait pour imposer un semblant d’ordre.
Le crépuscule s’abattait sur Valgor comme un linceul de cendres, teintant le ciel de reflets pourpres et or. Dans l’écurie des Noviens, le hennissement et les rugissements des montures de guerre résonnait encore, ignorant que la mort rampait dans l’ombre.
Puis le premier brasier jaillit, une torche invisible enflamma les bottes de foin, et l’odeur âcre du bois brûlé se propagea en quelques instants. Les flammes, affamées comme une bête furieuse, se jetèrent sur les charpentes, dévorant le bois noirci, projetant des éclats de lumière sur les visages terrorisés des palefreniers qui tentaient de libérer les bêtes affolés.
Thaldris arriva au galop, son manteau frappé du sceau d’Aethel flottant derrière lui. Son regard, d’un vert profond, balayait le chaos, et son cœur se serra en voyant les silhouettes encapuchonnées s’évanouir dans les ruelles, leur œuvre de destruction accomplie.
— Par Irkay… souffla-t-il, serrant le poing.
Un palefrenier s’effondra devant lui, la peau noircie par la fumée. Il s’agenouilla aussitôt, tentant d’apaiser ses souffrances, mais l’homme leva des yeux suppliants vers lui et murmura dans un dernier souffle :
— C’étaient… les Eldoriens…
La rage s’abattit sur les Noviens comme une avalanche. Le lendemain, les rues de Valgor furent le théâtre de lynchages, de pillages et de représailles sanglantes. Les tavernes devinrent des antres de conspirateurs, où l’on murmurait des serments de vengeance. Les Eldoriens, acculés, ne tardèrent pas à rendre coup pour coup.
Le rêve d’intégration de Thaldris s’effritait.
Dans la grande salle du Shael'Kaethryn de Valgor, Valhoryn se tenait devant Thaldris, les bras croisés sur son plastron d’acier. Le commandant des cavaliers sacrés et protecteurs d'Aethel, un homme aussi fier que ses ancêtres, portait sur son visage l’ombre d’un conflit intérieur.
— Nous avons combattu côte à côte contre les morts-vivants d’Argone, Thaldris, dit-il d’une voix grave. Tu sais ce que représente pour moi l’honneur.
Thaldris, le visage fatigué, s’adossa contre le pilier sculpté du hall.
— Alors pourquoi ne lèves-tu pas ton épée contre les eldoriens ?
Un silence pesant s’installa, seulement troublé par les crépitements des torches.
— Parce que ce combat n’est pas le mien. Valhoryn posa lentement sa main sur le pommeau de son épée. Nous sommes des guerriers, pas des bouchers. Je ne combattrai jamais le peuple d’Aethel. Seuls les morts-vivants, les pillards et les monstres méritent que nous tirions nos lames.
Thaldris détourna le regard, ses poings tremblants sous la frustration.
— Alors Valgor brûlera sous ton silence.
Valhoryn s’approcha, et d’une voix plus basse, il répondit :
— Peut-être. Mais je ne mettrai pas mon honneur en cendres pour elle.
Puis il tourna les talons, disparaissant dans l’ombre du couloir.
Seul, Thaldris contempla la ville depuis les hauteurs du Shael Kaethryn. Les lueurs des torches illuminaient les ruelles, et les échos de la discorde lui parvenaient en vagues brisées.
Valgor était devenue une plaie ouverte.
Et pour la première fois depuis longtemps, il ne savait plus s’il était capable de la guérir.
Legacy 12 – Palais d’Elvas
La lumière dorée du crépuscule d'Argone se déversait en vagues douces sur les terrasses du Palais d’Or. Les jardins suspendus d’Elvas embaumaient l’air d’essences rares, tandis que les fontaines sculptées chantaient doucement à la lueur des lanternes. Là, sous les arches sculptées aux motifs d’Aethel, une femme se tenait, drapée dans un voile d’émeraude et d’or, le regard fixé sur l’horizon.
Shael’Maara Zahraya, Mère du Sable surnommée également la Lionne d'Eldrastor par le sang et le devoir, était venue sceller un pacte qui changerait le destin de Shael'Thor. Et ce pacte portait un nom.
Il se tenait face à elle, vêtu d’un manteau de lin brodé de fils d’argent, le regard ténébreux et intense posé sur celle qui, depuis des mois, tournait autour de lui comme un faucon scrutant sa proie. Mais qui capturait qui dans cette danse silencieuse ?
Un sourire ourla les lèvres de la Shael’Maara tandis qu’elle brisa enfin le silence, sa voix douce mais acérée comme le fil d’une lame.
— Aethel, les vents du désert murmurent ton nom, et les pierres de nos temples le répètent. Tu es un roi puissant, un bâtisseur, un conquérant… mais qu’est un royaume, sans la main d’une reine pour le guider ?
Aethel arqua un sourcil, croisant les bras sur sa poitrine.
— Tu es venue ici pour me parler de pouvoir, Zahraya ? demanda-t-il d’un ton où perçait une lueur amusée.
Elle s’avança, ses pas feutrés sur le marbre ivoirin, et s’arrêta à quelques pouces de lui, relevant le menton avec une assurance désarmante.
— Je suis venue t’offrir plus qu’une alliance, Aethel. Plus qu’une promesse sur du parchemin. Si tu prends ma main, Eldrastor sera tienne… ainsi que Tor-Kalder, la ville que nous érigerons ensemble. Ce sera la colonne vertébrale d’un empire allant d’Elvas à Valgor, en passant par les mines d’or de Karazorn.
Le roi la considéra un instant. Il connaissait la valeur de son offre.
Eldrastor était la cité la plus peuplée de Shael’Thor, un carrefour stratégique, et Tor-Kalder, née de ses cendres, promettait de devenir un joyau. Leur union ne serait pas seulement un mariage… ce serait un coup de maître.
Mais était-ce là tout ce que Zahraya cherchait ?
Il glissa une mèche de cheveux sombres derrière l’oreille de la reine du désert, l’observant comme on jauge une étoile tombée du firmament.
— Et si je refuse ? souffla-t-il, testant le feu dans ses prunelles ambrées.
Elle ne broncha pas, un sourire mystérieux flottant sur ses lèvres.
— Alors tu me condamnes à épouser un autre roi qui aura su voir la grandeur de ce que je propose… et tu laisses l’histoire se souvenir de toi comme d’un homme ayant laissé passer la plus belle des couronnes.
Le silence s’étira. Un jeu de pouvoir, un jeu de désir.
Et Aethel, roi d’Elvas, comprit qu’il n’était pas seulement face à une reine, mais face à son égale.
Il lui tendit la main, et sous l'aube bienveillante d'Irkay, il scella leur destin.
— Alors soit, Zahraya. Reine tu seras. Et ensemble, nous ferons trembler Waryaume.
Les vents rugueux de l’hiver d’Irkay s’étaient levés sur Eldrastor, mais ils n’éteignaient ni la ferveur ni l’agitation qui régnaient dans ses rues saturées d’ombres errantes. Jadis simple bastion militaire, la cité était devenue une fourmilière chaotique, un théâtre d’exil où se jouait l’avenir de milliers d’âmes.
Sous les hautes tours du temple d’Argone, les Ombreliens, rejetés de Lunaria, se pressaient contre les murailles, vêtus de longues étoffes grises qui ne révélaient que leurs yeux brûlants de rancune et d’incompréhension. Bannissements, exils, trahisons : tout cela les avait conduits ici, dans une ville qui les accueillait autant qu’elle les rejetait.
Mais Shael’Maara Zahraya, la souveraine d'Eldrastor et allliée d’Aethel, n’avait que faire de ces murmures. À 32 Legas, elle n’était plus seulement la Mère du Sable ou la Lionne d'Eldrastor, mais une future reine stratège, une femme qui savait que le destin de son peuple exigeait plus que de simples conquêtes : il exigeait un empire.
Sur la grand-place d’Eldrastor, où les bannières d’Aethel claquaient désormais au vent, un silence pesant s’était installé. Les officiers dirigés par Rhaegor et les prêtres d'Argone & Shibaya, attendaient. Devant eux, la Shael’Maara se tenait droite, drapée dans un manteau d’or et de soie. Son regard, perçant et implacable, fixait les derniers notables de la cité, ceux qui hésitaient encore à plier le genou.
— Aujourd’hui, Eldrastor cesse d’être un simple bastion. Aujourd’hui, elle devient une pierre angulaire de l’avenir d’Aethel, déclara-t-elle d’une voix ferme, son ton résonnant sous les voûtes de l’ancienne citadelle.
Les élites locales, principalement issues des cultes d’Argone, murmurèrent. Certains étaient visiblement troublés, d’autres échangeaient des regards inquiets.
Un homme se détacha du groupe : un prêtre vêtu de robes d’un noir profond, ses traits marqués par l’austérité et la piété. Il se nommait Tar’Zhul, maître du temple d’Argone, et il s’avança avec un calme glacial.
— Vous imposez votre sceptre sur une ville sacrée, Shael’Maara. Un lieu où les ténèbres ont déjà tissé leur toile depuis des générations. Croyez-vous que vos bannières d’Aethel effaceront la foi des nôtres ?
Un sourire presque imperceptible étira les lèvres de Zahraya.
— Les dieux façonnent les peuples, mais ce sont les souverains qui tracent leur destin, répliqua-t-elle. Eldrastor n’est pas un tombeau de cendres. Elle est un phare, une porte ouverte vers l’avenir. Si vous souhaitez rester dans l’ombre, libre à vous. Mais ce royaume marchera vers la lumière, avec ou sans vous.
Un murmure parcourut l’assemblée. Les fidèles d’Argone savaient que la reine ne plierait pas.
L’unification d’Eldrastor sous Aethel ne fut pas simplement un événement politique. Ce fut un séisme à travers Waryaume.
— Les fidèles d’Argone se replièrent, certains décidant de partir vers les terres désolées au nord, d’autres jurant de semer la discorde au sein même de la cité.
— Les mines de Karazorn virent affluer une population nouvelle, désespérée mais déterminée, creusant plus profondément sous les montagnes en quête de prospérité.
— Les autres cités, voyant l’ascension inarrêtable d’Aethel, prirent une décision historique : elles choisirent l’union. Dreylorn reconnaissant la victoire écrasante d'Aethel accepta de rejoindre le roi d'Elvas. Brillendal guidée en coulisse par Vael'rrash en quête de stabilité et appuyé par son rival Kael'Thar Zal'ir s'accordèrent également à rejoindre le royaume d'Aethel.
À Elvas, la capitale d’Aethel, les émissaires de plusieurs royaumes se rassemblèrent sous les hautes colonnes de marbre du Palais d’Or. Les anciens rivaux devinrent alliés, leur lutte pour la survie se transformant en un projet de civilisation.
Ainsi, tandis que les ombres s’étendaient encore sur Eldrastor, le monde lui-même basculait vers un nouvel ordre. Un ordre dominé par Aethel. Shael'thor devint Aethel.