Le onzième Legacy marque une époque de bouleversements sans précédent dans le Waryaume. Les anciennes cités, autrefois bastions fiers des Shael’Thaarien ou d’autres peuples disparus, se métamorphosent sous l’effet des vagues migratoires et des luttes intestines.
Autrefois cœur vibrant du peuple Shael’Thaarien, Valgor n’est plus qu’un écho de sa splendeur passée. Ses murailles, jadis imprégnées des chants mystiques des anciens, résonnent désormais des voix rudes des Aetheliens et des ordres tranchants des officiers eldoriens. Les derniers natifs, usés par la faim, la maladie et des défaites militaires sans appel, abandonnent enfin leur foyer, laissant la ville aux mains de nouveaux maîtres.
Sur la grand-place de Valgor, le marché s’étend tel un patchwork de cultures entremêlées. Les Eldoriens, rusés commerçants et conquérants implacables, établissent leurs échoppes autour des grandes écuries où les Shael’ir, cavaliers sacrés de l'ordre d'Aethel, sont élevées sous l'œil vigilant des Aetheliens. L’ombre de Valhoryn Kaëdrak, maître des bêtes et guerrier fanatique, plane sur la cité. Son pouvoir grandit au fil des jours, son influence façonnant une Valgor plus martiale, plus impitoyable.
Au centre de cette tempête politique, Thaldris, le commandant de la garde, marche d’un pas mesuré dans les rues pavées de la ville. Son regard acéré jauge les interactions entre Eldoriens et Aetheliens, pesant chaque échange, chaque mot. Il sait que l’équilibre est fragile. Son rôle est clair : maintenir la paix entre deux peuples aux ambitions contraires.
Dans une salle voûtée du Shael'Kaethryn, il se tient face à Kael’Thar Zal’Ir aussi connu sous le nom de Shaar'Tul, l’homme dont la présence seule suffit à incarner l’espoir d’un avenir réconcilié.
— « Si nous ne trouvons pas un terrain d’entente, Valgor ne sera qu’un autre champ de ruines. »
— « Je ne suis pas un rêveur, Thaldris. Je connais les Aetheliens. Leur fierté est leur force, mais aussi leur fardeau. »
Le commandant inspire profondément. L’homme en face de lui n’est pas un simple idéaliste. Kael’Thar est un pacifiste, certes, mais un stratège. Il connaît le poids du sang versé.
— « Alors aide-moi. Fais entendre raison à Kaëdrak. Il ne se bat pas pour Valgor, il se bat pour son propre dogme. »
Kael’Thar ne répond pas tout de suite. Il observe la carte étalée devant lui, où les frontières se déplacent comme les vents du désert. Un silence lourd s’installe, un silence de calcul et de décisions irréversibles.
Le spectre de la trahison
Mais au-delà des murs de la cité, la tempête couve. Une troupe Aethelienne, envoyée pour patrouiller les plaines environnantes, tombe dans un piège soigneusement orchestré par des bandits eldoriens. L’herbe haute se gorge de sang sous la lame impitoyable des traîtres, et les cris d’agonie se mêlent au sifflement des flèches nocturnes.
La nouvelle frappe Valgor comme un coup de tonnerre. Dans les tavernes et les places publiques, la colère gronde. Les Eldoriens sont accusés de duplicité, les regards se durcissent, les poignards s’aiguisent dans l’ombre.
Lorsque Thaldris apprend la trahison, son poing se ferme sur le pommeau de son épée. Il n’aura d’autre choix que d’agir, et vite. L’avenir de Valgor, déjà vacillant, est au bord du précipice.
Et cette fois, une seule étincelle suffira à faire basculer la cité dans le chaos.
Les marais de Solvor, jadis un avant-poste vital des Aetheliens, sombrent lentement dans l’oubli, redevenant un labyrinthe de brumes épaisses et d’eaux stagnantes. Ici, la terre semble elle-même conspirer contre toute présence civilisée : les sentiers disparaissent sous la mousse fangeuse, les arbres aux racines noueuses émergent comme des spectres dans la brume, et l’air est chargé d’une odeur de tourbe et de chair en décomposition.
Ce territoire, autrefois patrouillé par des éclaireurs Aetheliens, est aujourd’hui livré aux ombres mouvantes de la sauvagerie. Dans le silence oppressant du marais, des yeux scrutent depuis les fourrés : des barbares aux peaux marquées de cendres et de cicatrices, rôdant tels des loups affamés.
La rumeur se propage à Valgor et dans les colonies voisines : les tribus du Grand Nord, les pillards de Rokthar et les renégats de Svarheim convergent vers Solvor, attirés par l’abandon des garnisons. Ces exilés, unis par la haine des royaumes civilisés, utilisent les marécages comme un sanctuaire, lançant des raids éclairs sur les convois commerciaux et les villages isolés.
Au sud, les marchands parlent à voix basse des caravanes attaquées, des silhouettes émergeant des brumes avant de disparaître, laissant derrière elles des cendres et du sang. Les garnisons locales, affaiblies par les guerres et les conflits internes, peinent à contenir cette menace insidieuse.
Dans la grande salle du Shael'Kaethryn de Valgor, Thaldris fait face aux Dhors de guerre, la mâchoire crispée.
— « Les barbares se regroupent. Ce ne sont plus des éclaireurs isolés, mais des armées en gestation. Solvor est perdu si nous n’agissons pas. »
— « Nos forces sont déjà divisées ! » tonne un commandant Aethelien, les poings frappant la table. « Nous ne pouvons pas défendre la ville et sécuriser les marais ! »
À l’écart de la discussion, Kael’Thar Zal’Ir observe en silence. Il sait que l’approche frontale ne mènera qu’à un bain de sang. Mais il sait aussi que négocier avec des barbares assoiffés de conquête serait un pari dangereux.
Solvor est en train de basculer.
Bientôt, ce ne seront plus des raids isolés, mais des vagues de feu et d’acier qui déferleront sur Valgor et au-delà
Le ciel de Brillendal, chargé de nuages d’encre, s’ouvre parfois en clairières lumineuses où la lueur d’Irkay perce les brumes. Jadis cité austère, forgée dans le pragmatisme des lois sévères, elle devient peu à peu un sanctuaire où les Aetheliens trouvent répit après l’exode.
Surplombant la ville depuis son promontoire rocheux, le Temple de Kaïros s’élève comme une anomalie dans ce paysage de fortifications anguleuses et de rues pavées de pierres sombres. Ses colonnes cyclopéennes, sculptées dans une pierre pâle parcourue de veines dorées, évoquent le passage du temps : chacune est gravée des chroniques des cycles de Waryaume, des premiers empires aux guerres récentes.
À l’intérieur, une coupole immense, ornée d’une fresque en perpétuelle évolution sous l’effet d’un mécanisme secret, retrace le destin des peuples sous le regard d’Aeon Kaïros. Les érudits et mystiques, venus des quatre coins de Waryaume, observent cette œuvre mouvante avec fascination, cherchant à en percer les mystères.
Debout sur les marches du temple, Vael’rrash Thir’zahor, prédicateur et architecte de cette renaissance, contemple la foule. Son regard d’ambre, brûlant d’un feu indéchiffrable, se pose sur les réfugiés qui s’agenouillent devant la grande horloge de Kaïros, priant pour un avenir moins tourmenté.
— « Le Temps ne punit ni ne récompense. Il est la pierre et la rivière, le poids et le mouvement. Mais nous, Aetheliens, nous sculptons notre propre sillage dans son courant. »
Sa voix résonne entre les colonnes, et le silence qui suit est lourd de sens. Autour de lui, les fidèles hochent la tête, absorbant la sagesse de ses mots.
Dans l’ombre des portiques, Kael’Thar Zal’Ir observe. Il reconnaît en Vael’rrash un homme aussi redoutable que visionnaire. Le temple, loin d’être un simple havre spirituel, devient un instrument de pouvoir. Un phare d’influence, attirant les âmes égarées sous une même bannière.
Brillendal, autrefois marquée par la brutalité et l’inflexibilité de ses lois, renaît sous une autre forme. Un bastion du destin, où le passé est gravé dans la pierre et l’avenir se forge dans la prière.