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La salle du trône de Skarnjoll, cœur de Novania, résonnait des échos lointains des marteaux sur l’enclume. De hauts piliers de basalte noir s’élevaient tels des montagnes sculptées par le temps, soutenant une voûte constellée de runes incandescentes. Des braseros d’acier, alimentés par des flammes au soufre, projetaient une lumière crépitante sur l’assemblée réunie.
Atanael, Thane de Skarnjoll de Novania, trônait sur son siège d’ébène orné de ferronneries argentées. Sa stature imposante, drapée dans un manteau de peau de drake, inspirait la crainte et le respect. Son regard d’onyx parcourait la salle où se tenaient les dignitaires, attentif à chaque murmure.
Face à lui, une silhouette d’acier et de grâce se détachait du cercle d’émissaires de Thrymskarn. Elle portait un haubert ouvragé, serti de motifs gravés en l’honneur de Kharon, dieu de la guerre. Ses yeux céruléens, aussi froids que les glaciers du Nord, brillaient d’un feu indomptable. Elle était Freyda Skjalgrimm, prêtresse-guerrière et bras droit du Thane de Thrymskarn.
D’une voix ferme, elle prit la parole :
— "Skarnjoll prospère, Atanael, mais l’ombre d’une menace plane sur l’alliance du conseil de fer". Doucement elle marche vers le balcon du palais d'Atanael en scrutant l'horizon avec le thane.
Le conseil de fer est un concept d'assemblée où seraient prises les décisions militaires majeures. Un ordre sacré formé de prêtres guerriers dévoués à Kharon, ils agissent comme conseillers spirituels guérisseurs et meneurs de batailles. A l'heure actuel, le Conseil de Fer relève davantage d'un mythe que d'une réalité... cependant, certaines cités souhaitent le ralliement sous une même bannière comme Thrymskarn, Skarnjoll et Jorndall.
Toujours scrutant l'horizon, elle reprend avec une autorité digne d'un thane :
— Thrymskarn exige une preuve de loyauté. Nous avons besoin de lames et de bras.
Le thane de Skarnjoll hocha lentement la tête, son regard sombre s’attardant sur la carte étalée devant lui. L’immigration eldorienne, ces marchands d'Eldoria réputés pour leur fourberie, avait apporté force et labeur aux terres de Skarnvol, mais leur nombre grandissant suscitait une crainte sourde. Plutôt que de risquer la sédition, Atanael prit une décision tranchante.
— Les Eldoriens seront enrôlés, déclara-t-il en martelant du poing l’accoudoir de son trône. Leur loyauté sera éprouvée par le fer et le sang.
Un silence pesant s’installa. Quelques murmures s’élevèrent parmi les conseillers, mais nul ne remit en question son autorité.
Freyda s’avança de quelques pas, l’éclat des flammes dansant sur l’acier de son armure.
— Une décision sage, Thane de Skarnjoll, dit-elle d’un ton mesuré. Mais saurez-vous leur inspirer plus qu’une obéissance contrainte ? Un soldat qui combat sans honneur n’est qu’un fardeau sur le champ de bataille.
Atanael sourit légèrement, un éclat amusé traversant son regard perçant.
— L’honneur viendra avec la guerre, répondit-il. Et s’ils ne le trouvent pas eux-mêmes, je m’assurerai qu’ils le comprennent au prix du sacrifice.
Un instant, Freyda scruta son visage, jaugeant l’homme derrière la couronne. Puis, d’un geste affirmatif, elle posa une main gantée sur le pommeau de son épée.
— Dans ce cas, je mènerai personnellement ces recrues à l’épreuve du fer. Nous verrons s’ils sont dignes de brandir les bannières de Thrymskarn.
L’accord était scellé. Une nouvelle armée allait naître sous la bannière du conseil de fer de Novania, tandis que dans les forges profondes de Skarnjoll, les enclumes chantaient déjà le prélude d’une ère de guerre
Sous un ciel aux nuances pourpres, où les dernières lueurs d’Irkay peinaient à percer l’épais voile de l’Ombre d’Argone, Shael’Thor s’étendait, majestueuse et meurtrie. Ses dunes scintillantes se mouvaient au gré des vents comme une mer d’or tourmentée, chaque grain de sable portant en lui l’écho des batailles passées et des prières d’un peuple en quête de salut. L’île, bénie par Irkay, dieu de la lumière, et maudite à la fois par Argone, incarnation des ténèbres, n’était plus qu’un champ de ruines vivantes, où l’espoir survivait à peine. Elvas, la capitale du roi de Shael'Thor connu sous le nom d'Aethel Shael'Thar, signifiant en zel'thaar, la langue native, "Roi sacré" ou "Guide lumineux" abritait son roi, Aethel. Shael'Thor dispose également de nombreuses villes toutes marquées par les dieux et ses contes et héros. Eldrastor la cité d'or, Brillendal la cité des Maladies et des Secrets, Dreylorn la maudite et enfin Valgor, la capitale guerrière.
Perchée comme un aigle défiant l’abîme, Eldrastor, le bastion des montagnes d’ébène, s’élevait dans une austérité glaciale. Ses remparts, noirs comme le charbon mais éclatants sous la lumière blafarde de la lune, semblaient porter la rage et la résilience d’un peuple qui refusait de plier face à l’inévitable. À leurs pieds, les ombres dansaient, formant des silhouettes cauchemardesques que même les flammes des torches n’osaient affronter.
Aethel se tenait droit, son visage marqué par le poids des Legacy précédentes. Le jeune roi, autrefois impulsif et fougueux, portait désormais dans ses yeux la sagesse durement acquise des épreuves traversées. Ses épaules semblaient ployer sous un fardeau invisible, mais son cœur, lui, brûlait encore d’une flamme indomptable.
« Majesté, ils approchent. »
La voix rauque du capitaine des gardes, Rhaegor Thal'kyr, résonna comme un glas. Le jeune homme vêtu de l’armure sombre des défenseurs d’Eldrastor, tendit une main tremblante vers l’horizon. Là-bas, dans les ténèbres, une masse informe avançait, un grondement sourd accompagnant leur marche.
Aethel se tourna vers Rhaegor Thal'kyr, son visage durci par une détermination inflexible.
« Alors nous les attendrons ici. Eldrastor ne tombera pas. Pas ce soir. Pas tant que je respire. »
Zahraya, la Shael’maara ou baronne guerrière, s’approcha à pas mesurés. Ses traits étaient ceux d’une femme marquée par la guerre, mais son regard portait une lumière rare, une force tranquille capable de raviver même les âmes les plus désespérées.
« Aethel, nous avons renforcé les remparts. Les catapultes sont prêtes. Mais ces créatures… elles n’obéissent à aucune logique. Leur rage est leur seule force. »
Aethel croisa le regard de Zahraya, et un sourire presque imperceptible passa sur ses lèvres.
« C’est leur erreur. La rage ne voit pas les pièges. La rage ne construit rien. Mais nous… nous avons la lumière d’Irkay en nous. Ce feu qui ne s’éteint jamais. »
Les heures qui suivirent furent un chaos indescriptible. Sous la clameur des cornes d’alerte, les créatures d’Argone se déchaînèrent contre les murs d’Eldrastor. Ces monstres, silhouettes grotesques aux griffes acérées et aux mâchoires béantes, semblaient naître directement des cauchemars. Chaque assaut contre les remparts faisait trembler la terre elle-même, mais les Shael’thoriens tenaient bon.
Sur les hauteurs, Aethel combattait en première ligne. Sa lame d’argent, forgée dans les flammes sacrées d’Irkay, fendait les créatures comme une lumière transperçant l’obscurité. À ses côtés, Zahraya, armée de sa lance dorée, menait ses troupes avec une grâce féroce, ses cris de guerre unissant les défenseurs dans une danse mortelle.
Rhaegor Thal'kyr, blessé mais toujours debout, hurlait des ordres, son épée tachée du sang noir des abominations.
« Ne laissez aucune ouverture ! Pour Shael’Thor ! Pour le roi ! »
Les morts-vivants semblaient infinis, mais Aethel restait imperturbable. Chaque coup porté était une déclaration silencieuse : il ne céderait pas. À un moment, il planta son épée dans le sol, levant une main ensanglantée vers le ciel.
« Irkay, prête-moi ta lumière ! »
Comme en réponse, une lueur dorée illumina soudain les environs, aveuglant les créatures et redonnant courage aux défenseurs. Le roi, baigné dans cette lumière divine, devint un symbole vivant d’espoir.
Quand les premiers rayons d’Irkay apparurent à l’horizon, le champ de bataille s’apaisa. Les créatures, hurlant de douleur, s’évanouirent dans l’ombre. Les remparts d’Eldrastor tenaient toujours, et le peuple, malgré ses pertes, avait survécu à une autre nuit.
Aethel, couvert de sang et de cendres, descendit lentement des remparts, son regard balayant les survivants. Il croisa Zahraya, qui posa une main sur son épaule.
« Nous avons gagné, mais à quel prix ? » murmura-t-elle.
Aethel ferma les yeux un instant, comme pour sentir chaque vie qu’il avait protégée et chaque âme qu’il avait perdue.
« Le prix du futur. Chaque jour où nous résistons est une victoire. Et chaque victoire nous rapproche de la fin de l’Ombre. »
Dans les regards fatigués mais admiratifs des habitants d’Eldrastor, Aethel vit quelque chose qu’aucune bataille ne pourrait lui ôter : la foi. Une foi en lui, en leur terre, et en un avenir où la lumière triompherait des ténèbres.
L'horizon était teinté de pourpre et d'or, un mariage d'ombres et de lumières sur l'immensité de Shael’Thor, lorsque les premiers rayons du matin perçaient l'étreinte des vagues. Valgor, telle une amante dévouée mais imprévisible, se tenait fièrement sur les rivages du grand océan. C'était une cité animée, battue par les vents et enivrée de la mer, à la fois belle et menaçante, dans une danse incessante entre commerce et guerre. Surnommée la Cité des Mille Voiles, elle semblait vibrer sous les chants des marins, les cloches des églises, et les bruits des chantiers navals. Les voiles des navires, flottant comme des flammes dans le vent, étaient comme une armée colorée, représentant les anciennes alliances et les guerres à venir, leurs couleurs évoquant des serments et des trahisons, des épopées d’un passé glorieux et les ombres des batailles futures.
Dans les ruelles étroites et bruyantes, la vie fourmillait. La ville, véritable mosaïque de cultures, s’étendait entre des bâtisses de pierre blanchie par le soleil et des échoppes où les épices chatouillaient les narines, et où les marchandises précieuses se négociaient à voix basse. Les visiteurs venaient de tous horizons : les marins de Shael'Thor, les commerçants de Lunaria, et parfois même les nobles d'Eldoria, en quête de perles et de soie, mais aussi de secrets et d’alliances dangereuses. Dans les tavernes enfumées, les rires et les murmures s'entremêlaient, tandis que des chants à la gloire des dieux anciens résonnaient, étouffés par l'odeur de l'alcool et la chaleur des corps. Mais, sous cette magnificence, un autre son semblait percer, discret mais obsédant : celui des cultes secrets qui se tissaient dans les ombres de la ville, des murmures de Baal et des pactes murmurés dans les recoins les plus sombres.
Le vent soufflait fort ce jour-là.
Dans un recoin du port, le capitaine Kaelen, un homme dont les yeux d’un bleu profond semblaient refléter la mer elle-même, fixait l’horizon. Il tenait fermement la barre de son navire, le Serpent d’Argent, un vaisseau marchand qui naviguait autant sur les vagues que dans les arcanes politiques de Valgor. Les voiles blanches se gonflaient sous le vent comme des ailes d’ange, et sa silhouette se découpait contre la lumière mourante du soir. Il était un homme de guerre, forgé par les batailles de l’archipel, et pourtant, il sentait une sorte de lassitude s’emparer de lui, comme une brume glacée venant de l’intérieur des terres.
"La mer ne pardonne pas, et les hommes encore moins, murmurait-il, ses yeux scrutant la ligne de l’horizon comme un homme qui cherchait des réponses dans l'infini."
À ses côtés, Liora, la belle espionne d’Aethel, était adossée à la mâture, ses cheveux bruns flottant au vent comme des ombres dansantes. D’un regard pénétrant, elle observait Valgor, ses lèvres rouges murmurant des mots qu’il savait être des prédictions. Elle aussi semblait marquée par cette ville, mais d’une manière différente. Elle ne se laissait pas emporter par la magie de l’océan. Ses yeux, bien qu’aussi magnifiques que ceux de la mer, étaient empreints de calculs, de méfiance, et d’une volonté farouche de manipuler les fils invisibles qui tenaient cette cité sous son contrôle.
"Tu cherches encore la vérité dans cette ville, Kaelen ?" lança-t-elle d’une voix suave mais tranchante. "Tu sais que Valgor est aussi trahie que les vagues qui frappent ses quais. Derrière chaque voile se cache une promesse, mais aussi une malédiction."
Il tourna son regard vers elle, un sourire faible et ironique effleurant ses lèvres. Mais ses pensées étaient ailleurs, plongées dans le tourbillon des évènements qui se déroulaient dans l’ombre. L’ombre d’Argone, plus forte chaque jour, qui s’infiltrait lentement dans le port, dans les rues, et dans le cœur même de Valgor. Le prix des alliances secrètes était bien trop élevé, et les rumeurs de pactes démoniaques murmurées par des voix tremblantes dans les tavernes ne faisaient qu’envenimer ses doutes. La paix fragile qu’il avait cru trouver ici ne valait rien si elle n’était qu’un masque.
"J’ai vu des royaumes s’effondrer sous le poids des promesses brisées, Liora." répondit-il d’une voix grave. "Je sais que Valgor est plus qu’une simple ville. C’est une bête insatiable qui dévore tout sur son passage. Mais c’est aussi notre bête. Si nous ne la maîtrisons pas, elle nous engloutira."
Elle esquissa un sourire, mais il n’était pas rassurant. Il savait qu’elle, tout comme lui, avait déjà perdu une partie de son âme dans cette ville impitoyable, chaque mission, chaque mensonge, chaque alliance l’éloignant un peu plus de ce qu’elle avait pu être.
"Et qui sera assez fort pour la maîtriser ?" demanda-t-elle en le fixant d’un regard perçant. "Certains disent que l’ombre d’Argone est déjà parmi nous, que Baal murmure encore dans les vents du désert, et que cette ville, plus que toute autre, est l’épicentre du mal qui se prépare."
Kaelen serra les poings sur le bastingage du Serpent d’Argent, sentant la tension grandir comme une vague prête à déferler sur le monde entier. Il n’était plus question d’éviter la tempête. Elle était là, prête à tout engloutir, et lui, avec Liora, allait devoir naviguer à travers les flots d’obscurité qu’elle charriait.
"Nous devons choisir notre camp, Liora." murmura-t-il, sa voix s’adoucissant, mais avec la certitude d’un homme qui n’avait plus de retour. "La Cité des Mille Voiles... ou l’ombre."
Les voiles blanches du Serpent d’Argent se gonflèrent une nouvelle fois sous le vent, tandis que la mer, immense et sans pitié, continuait de chanter sa chanson éternelle, prête à engloutir ceux qui se perdraient dans ses mystères.
Sur les rives sinistres de l’Isern, là où les eaux sombres serpentent entre les ruines d’une grandeur perdue, se dresse Brillendal, la Cité des Maladies et des Secrets. Si Valgor est la ville des rêves, Brillendal est celle des cauchemars, une ville où l’air lui-même semble trembler sous le poids des malédictions anciennes. Les bâtiments, autrefois majestueux, se sont transformés en carcasses de pierre, envahies par des plantes pourpres et des moisissures immondes, et les rues, désertées par les vivants, sont peuplées d’ombres titubantes. Chaque coin de la ville semble murmurer des secrets funestes, portés par le vent lourd qui soulève la poussière des âges révolus.
Les cieux au-dessus de Brillendal sont perpétuellement chargés, comme si les dieux eux-mêmes refusaient d’accorder à cette cité la clarté de la lumière. L’air, saturé d’une odeur de décomposition, fige la ville dans un état de stagnation perpétuelle, où la mort semble rôder à chaque instant. Et pourtant, malgré ce tableau de désolation, une lueur persistante demeure : les archives de la peste, des textes antiques et des remèdes oubliés, dissimulés dans les profondeurs des bibliothèques dévastées. Ces vestiges de savoir, gravés dans des parchemins anciens, détiennent peut-être la clé pour inverser le fléau, mais à quel prix ?
C’est ici que Baal, le serviteur d’Argone, a semé les graines de la désolation. La peste noire, une maladie d’origine surnaturelle, a dévasté la population de Brillendal, transformant la ville en un champ de ruines. Les villages alentours, autrefois prospères, sont désormais vides, leurs champs devenus des terres stériles où rien ne pousse. Les guérisseurs d’Aethel, armés de leur foi en Shibaya, luttent désespérément pour contenir l’épidémie, mais chaque victoire semble être une illusion. La peste recule, mais elle revient toujours, plus forte, plus implacable. Et la cité, ainsi que ses habitants, sont condamnés à une lente agonie.
Lethian, un jeune guérisseur d’Aethel, se tenait sur le pont qui enjambe la rivière Isern, observant les eaux troubles se faufiler entre les pierres brisées. Il avait l’impression que la rivière elle-même respirait une malédiction, chaque vague l’emportant un peu plus vers l’abîme. Ce n’était pas sa première fois ici. Il venait régulièrement à Brillendal, attiré par les promesses d’un savoir ancien, mais chaque voyage le laissait plus marqué qu’avant, comme si une partie de lui-même était engloutie dans les ténèbres de la ville.
"La peste ne nous laisse aucun répit," murmura-t-il, son regard perdu dans les tourments de la rivière. "Elle revient toujours, plus violente, plus sombre. Mais peut-être... peut-être que ce savoir ancien, caché dans les archives, détient la solution. Peut-être que l’histoire des anciens guérisseurs peut nous sauver."
Une voix rauque et empreinte d’une profonde inquiétude se fit entendre derrière lui. Syris, un alchimiste & nomade issu des mines de Kaelar, s’approcha lentement.
"Tu penses vraiment que ces textes anciens contiennent un remède, Lethian ?" demanda-t-il, une lueur de scepticisme dans les yeux. "Ils sont vieux, oubliés, et... peut-être corrompus. Argone n’a pas seulement dévasté la population de Brillendal avec la peste. Il a corrompu tout ce qui touche cette ville, y compris ses archives."
Lethian se tourna vers elle, un éclat de défi dans ses yeux sombres. " Je sais, Syris. Mais c’est notre seule chance. Le savoir est notre arme, et même dans cette ville pourrie, il existe des secrets qui pourraient inverser le cours de l’histoire." Il prit une profonde inspiration, sentant la lourdeur de l’air qui les entourait. "Nous ne pouvons pas simplement attendre que la peste nous engloutisse. Nous devons agir."
Il observa ses yeux, une lueur de compréhension perçant son regard froid. Syris était lui-même marqué par la guerre et la souffrance, mais il avait appris à se méfier des promesses. Cependant, face à la détermination de Lethian, il acquiesça d’un signe de tête, le poids de la décision pesant sur lui comme un fardeau.
"Alors allons-y." dit-il finalement, sa voix s’adoucissant. "Mais sois prêt, Lethian. Brillendal ne pardonne pas. Et ce que nous y cherchons... pourrait bien nous coûter bien plus que notre âme."
Tous deux se tournèrent vers la cité, dont les ombres semblaient s’étirer comme des bras morts, prêts à les engloutir. Le destin de Brillendal, et peut-être celui de toute Aethel, reposait désormais entre les mains de ceux qui osaient encore défier les ténèbres.
Au cœur de Shael’Thor, dans les terres dorées et immenses, se dresse Dreylorn, une ville qui semblait, autrefois, incarner la promesse de la vie elle-même. Bâtie autour des puits sacrés de Shibaya, ces sources d’eau bénites par la déesse de la vie, Dreylorn était la capitale forestière d’Aethel, un joyau d'émeraude et de prospérité. Les fermes de Drassel au sud de l'île étaient baignées par la lumière dorée du soleil levant, produisaient des récoltes si abondantes qu’elles nourrissaient non seulement les habitants de l’île, mais aussi les royaumes voisins. C’était une terre bénie où la vie semblait couler à flots, où chaque graine plantée se transformait en une abondance miraculeuse.
Mais cette douce prospérité n’était qu’un mirage, et la Legacy 2 marqua le début de la fin. Lorsque les menaces grandissantes des royaumes voisins et des bandes de bandits venant des mines de Kaelar imposèrent de nouvelles exigences, la royauté d’Aethel, dans son infinie sagesse politique, décida de conserver les récoltes pour ses armées. Dreylorn, oubliée et abandonnée à son sort, se retrouva sans défense. Les puits sacrés, autrefois source de vie, se transformèrent en témoins muets du malheur à venir. La famine, inexorable, se déchaîna sur les villages voisins. Les champs, autrefois fertiles, se remplirent de silences inquiétants.
Dans les terres asphyxiées par la sécheresse, les murmures de rébellion se firent de plus en plus forts, jusqu’à devenir des cris de rage. Le peuple, rongé par la faim et la trahison de leurs dirigeants, commença à se révolter. C’est dans cette époque de désespoir et de colère que Baal, l’ombre perfide d’Argone, entra en scène. Dans l’obscurité de la nuit, il se glissa dans les rêves des affamés, s’installant comme un poison lent dans leur esprit. Peu à peu, il plongea les plus vulnérables dans un sommeil éternel, emportant leur âme dans un abîme d’oubli. La ville, jadis prospère, se transforma en une terre de mirages : des silhouettes sans vie errant dans les champs abandonnés, des corps privés de volonté, devenus des ombres dans un monde que les dieux avaient oublié.
Calon, un jeune fermier de Drassel, se tenait debout parmi les champs desséchés, ses yeux fixés sur l’horizon infini des dunes. Autrefois, il avait vu la terre s’épanouir sous ses mains, chaque récolte étant un acte de foi, une bénédiction de Shibaya. Mais aujourd’hui, la terre ne lui offrait plus rien que des grains de sable et des rêves brisés. La famine frappait fort, et les cris des enfants affamés étaient plus poignants que les hurlements des ennemis au loin.
"Que reste-t-il de notre promesse ?" murmura-t-il, ses yeux se perdant dans les vagues de chaleur qui s’élevaient du sol aride. "Shibaya nous a abandonnés... ou peut-être est-ce nous qui l’avons abandonnée, en mettant notre foi dans les promesses des rois plutôt que dans les bénédictions de la terre."
Sa voix, émotive et désespérée, se perdit dans le vent qui soufflait sur les champs dévastés. La scène devant lui semblait irréelle, presque irrévocable. Mais alors qu’il s'apprêtait à partir, une silhouette se dessina dans la brume.
Ilana, une guérisseuse de la forêt d'Yrwood, s'approcha d'un pas résolu. Sa silhouette, frappée par la lumière du crépuscule, semblait presque irréelle, comme une apparition d’un autre monde. Elle portait une robe simple mais élégante, ses yeux bruns profonds fixés sur Calon avec une intensité qui perça son cœur. Elle s’arrêta juste devant lui, une expression de tristesse marquant ses traits.
"Tu es perdu, n’est-ce pas ?" demanda-t-elle doucement, son ton empreint de sagesse et de douleur. "Nous le sommes tous. Dreylorn était une promesse. Une promesse de vie, mais aussi une promesse brisée. Le royaume nous a tourné le dos, et maintenant, nous devons faire face à la réalité de ce que nous sommes devenus."
Calon fixa Ilana, son regard chargé de désespoir. "Que pouvons-nous faire maintenant, Ilana ? La terre ne répond plus à nos appels. Les champs de Drassel sont morts, les puits sont asséchés... Nous n’avons plus rien. Que reste-t-il de notre foi en Shibaya ?"
Ilana posa une main ferme sur son épaule, sa voix pleine de résilience. "Il y a encore une chance, Calon. Peut-être que la promesse n’a pas été totalement brisée." Elle baissa les yeux sur le sol, là où des fleurs fanées persistaient encore malgré tout, comme un ultime signe d’espoir. "Il y a encore des archives dans la ville de Brillendal, des textes anciens, des savoirs cachés dans les ténèbres de cette terre. Peut-être que c’est là que réside la clé pour inverser notre destin."
Calon leva les yeux vers elle, un espoir timide naissant dans son cœur. "Alors, allons-y. Nous avons encore un peu de force en nous. Dreylorn ne doit pas mourir."
Leurs pas se mêlèrent alors aux échos de la ville, une ville qui, bien que mourante, portait encore la lueur d’une promesse. Dreylorn, la promesse brisée, pouvait peut-être encore renaître, mais le chemin serait semé d’embûches. Entre les mains des survivants résidait l’espoir ténu d’une renaissance.