Le vent froid soufflait sur Dreylorn, portant avec lui la promesse d’un combat imminent. Ilana observait les cieux, son regard inquiet rivé à l’horizon où les ombres menaçantes des pillards se découpaient contre le crépuscule. L’alerte avait été donnée : un raid barbare approchait.
À ses côtés, Kaelhor contemplait ses hommes rassemblés. Ces nouveaux guerriers Drav’Karyn, qu’il avait formés de ses propres mains, se tenaient prêts, leurs armes brillantes sous les derniers feux du jour. Ce n’étaient plus de simples paysans affamés—ils étaient devenus des combattants aguerris, trempés par des semaines d’entraînement impitoyable.
— C’est l’heure, souffla-t-il, une lueur de fierté dans la voix.
Ilana, encore sceptique, croisa les bras.
— Ce sont des hommes du peuple, Kaelhor… ils ne sont pas des guerriers de naissance.
Un sourire énigmatique étira les lèvres du chef des Drav’Karyn.
— Alors regarde-les devenir légendes.
Le fracas de l’acier résonna dans la nuit lorsque les barbares atteignirent les remparts de Dreylorn.
Les assaillants, vêtus de peaux de bêtes, hurlèrent comme des bêtes sauvages, brandissant leurs armes rouillées avec l’assurance des pillards qui n’avaient jamais trouvé de véritable résistance. Mais ils allaient découvrir que Dreylorn n’était plus une proie facile.
Les Drav’Karyn, pour la première fois, chargèrent ensemble.
Le choc fut brutal.
Les lames s’entrechoquèrent, le sang éclaboussa la boue du champ de bataille. Les anciens fermiers, artisans et marchands se battaient comme de véritables guerriers, suivant les techniques que Kaelhor leur avait enseignées avec rigueur. Ils ne fuyaient pas, ils ne tremblaient pas. Ils tenaient leurs positions, ripostant avec force et discipline.
Ilana, postée sur une hauteur, observait le combat avec des yeux écarquillés. Ils se battaient comme une armée entraînée…
Kaelhor, au cœur du combat, fendait l’air de son épée massive, abattant les pillards avec une précision meurtrière. Chaque coup de sa lame galvanisait ses hommes, chaque cri d’agonie barbare leur rappelait qu’ils n’étaient plus des victimes.
La bataille ne dura pas.
Lorsque le dernier pillard s’effondra, Dreylorn résonna d’un silence étrange. Puis, un cri s’éleva, suivi d’un autre. Un hurlement de victoire.
Les guerriers Drav’Karyn avaient vaincu.
Kaelhor, couvert de sueur et de sang, tourna son regard vers Ilana.
— Tu vois ? souffla-t-il avec un sourire triomphant. Ceux que l’on croyait faibles viennent d’écrire leur propre légende.
Ilana, encore sous le choc, acquiesça lentement.
— Je… je n’aurais jamais cru…
Kaelhor posa une main ensanglantée sur son épaule, son regard brûlant de fierté.
— Nous sommes prêts.
Les cendres recouvraient encore le sol, des volutes grises s’élevant doucement sous les pas prudents des survivants. Là où autrefois se dressaient des arbres centenaires, seules des carcasses noircies témoignaient du passage du dragon.
Mais la forêt, malgré ses blessures, n’était pas morte.
Au cœur de cette désolation, Sylvanis renaissait.
Le retour des exilés
Ilana marchait en tête du cortège, son regard perçant scrutant les ruines du hameau qu’elle avait connu autrefois. Son cœur se serra.
— Il n’en reste presque rien…, murmura-t-elle.
Derrière elle, des dizaines d’hommes et de femmes revenaient sur leurs terres, des larmes silencieuses coulant sur leurs joues. Certains s’effondraient à genoux, embrassant la terre comme une mère perdue depuis trop longtemps.
Mais un autre sentiment naissait sous leur tristesse.
L’espoir.
Un miracle dans les cendres
Valhoryn, armure écarlate et cape battant au vent revenant de Ravloc, posa une main sur l’épaule d’un vieil homme qui pleurait en serrant une poignée de terre brûlée.
— Nous rebâtirons, dit-il d’une voix ferme.
Les anciens de Sylvanis levèrent les yeux vers lui. Ils avaient fui les flammes, mais aujourd’hui, ils n’étaient plus des victimes.
— Nous ne sommes plus seuls, déclara une femme à voix haute. Les Drav’Karyn de Dreylorn nous ont sauvés du chaos… Ils nous ont offert leur force, et aujourd’hui, nous pouvons revendiquer notre indépendance.
Kaelhor s’avança, son visage grave sous le poids des responsabilités.
— Si Sylvanis doit renaître, ce sera sous votre volonté, pas sous la nôtre, annonça-t-il. Mais sachez que Dreylorn vous considère comme des alliés, et non comme des sujets.
Un murmure parcourut la foule. Ils n’avaient jamais eu l’occasion de choisir leur destin… jusqu’à maintenant.
La promesse d’une ville libre
Le travail commença immédiatement.
Les premiers jours, ils défrichèrent les restes calcinés, redonnant à la terre son souffle.
Les druides revinrent, implantant des graines dans les cendres fertiles.
Les premières fondations furent posées, et peu à peu, les silhouettes des maisons remplacèrent celles des arbres morts.
Le peuple de Sylvanis, d’abord brisé, retrouvait sa fierté.
Et lorsque la première tour en bois fut érigée, elle devint le symbole d’un renouveau, tel un phénix s’élevant des cendres.
Un avenir paisible… ou un nouveau défi ?
Alors que le soleil couchant baignait Sylvanis d’une lueur dorée, Ilana contempla la ville renaissante.
— Tu crois qu’ils s’en sortiront ?, demanda-t-elle à Valhoryn.
Il observa la détermination des bâtisseurs, les sourires timides des enfants qui retrouvaient leur terre, les anciens qui racontaient leurs histoires autour des feux du soir.
— Ils ne sont plus seuls. Tant que Dreylorn veille… ils survivront.
Mais dans la forêt profonde, un autre regard s’attardait sur la ville nouvelle.
La nuit tombait sur Eldrastor, enveloppant la cité dans un voile d’encre où les ombres semblaient se mouvoir d’elles-mêmes. Rhaegor Thal’Kyr contemplait les ruelles pavées du haut d’un clocher, ses yeux perçant l’obscurité à la recherche du fantôme qui assassinait les Lunariens.
À ses côtés, Liora, l’espionne d’Aethel, tendait l’oreille, chaque muscle de son corps tendu, son instinct affûté par des années de traque et d’infiltration. Mais leur proie restait insaisissable, un serpent glissant entre leurs doigts, tuant dans l’ombre sans jamais laisser de trace.
— Rhaegor, murmura-t-elle. Nous avons besoin de quelqu’un qui comprend l’ennemi…
Comme pour répondre à ses mots, une silhouette drapée dans une cape de brume surgit de la nuit.
Kael’thar Shaar’Thul, le Kaor de Brillendal, le puissant seigneur nommé par Aethel à la tête de Brillendal revenait de Tor Kalder après sa bataille contre les démons.
— Je traque la noirceur depuis bien plus longtemps que vous deux., déclara-t-il d’une voix calme. Laissez-moi vous aider.
Rhaegor honora le kaor alors que lui même n'était qu'un simple Dhor, un grade en dessous, le bras droit de Zahraya, le régent en l'absence de celle-ci accepta avec gratitude l'aide de Kael'Thar.
— Alors prêtons la chasse, gronda-t-il.
Le trio plongea dans les entrailles d’Eldrastor, suivant une piste de sang invisible aux yeux non avertis.
Liora décryptait les indices laissés dans les ruelles, lisant les murmures de la ville comme un livre ouvert.
Rhaegor écoutait les battements du sol sous ses pas, ressentant les vibrations de la peur qui y résonnait encore. Le kaor Kael'Thar était habitué à écouter le peuple et à déchiffrer les messages cachés du peuple.
Leurs routes convergèrent vers un ancien temple abandonné, où un silence surnaturel régnait. Sans aucun doute, ce fut celui de Thar'Zul. Alors que le prêtre d'Argone niait son implication, son temple servait d'abri pour l'agent d'Argone.
— Il est là…, souffla Liora.
Un frisson parcourut son échine. L’air était saturé d’une énergie noire, l’émanation même d’Argone.
Soudain, les torches s’éteignirent.
— Il nous attend.
Un rire sifflant s’éleva dans l’obscurité. L’agent d’Argone était un spectre en chair et en os, un assassin dont la lame ne laissait aucune trace.
L’affrontement éclata.
Rhaegor fendit l’air de sa hache, mais l’assassin se fondait dans l’ombre avant d’esquiver, une danse mortelle dont il maîtrisait les pas.
Liora bondit, ses dagues jaillissant comme des éclats d’étoiles, forçant leur ennemi à se découvrir.
Mais c’est Kael’thar qui scella le destin de l’agent d’Argone. Il avait une revanche à prendre sur les démons du dieu maléfique. Il se mêla à l'ombre de la nuit et par une conjecture divine ou par l'inspiration de Kaïros, il surprit l'assassin.
— Retourne aux abysses d’où tu viens… murmura le kaor.
L'agent surpris de l'avoir perdu de vue durant son combat contre Rhaegor et Liora, fut poignardé à son tour comme ses victimes, mais ce fut par la main d'un kaor pieux.
Lorsque le soleil se leva sur Eldrastor, l’horreur des assassinats n’était plus qu’un souvenir.
La communauté lunarienne, longtemps accablée par la peur, pouvait enfin respirer. Les rues retrouvèrent leur éclat, et les visages s’illuminèrent d’un espoir nouveau.
Rhaegor observa la ville depuis les hauteurs, un soupir soulagé lui échappant.
— Enfin…, murmura-t-il.
À ses côtés, Liora croisa le regard de Kael’thar.
— Tu avais tes propres raisons pour nous aider…
Kael’thar lui adressa un sourire énigmatique.
— Disons simplement que j’ai mes propres batailles contre Argone.
Et, sans un bruit, il disparut dans les rues d’Eldrastor, ne laissant derrière lui qu’une promesse silencieuse : sa guerre contre les ténèbres se poursuivait.