Les ruelles pavées de Skarnjoll vibraient d’une tension sourde, un grondement à peine contenu sous les toits de bois sculpté et les enseignes des échoppes. Le marché central, jadis cœur battant du commerce entre Noviens et Lunariens, était devenu un champ de braises, ses étals renversés, ses tentures arrachées par la colère aveugle des factions opposées. L’odeur âcre de la fumée et du bois calciné flottait dans l’air, se mêlant aux cris des marchands désemparés et aux ordres hurlés des gardes.
Au centre de cette tourmente, Atanael se tenait, le regard sombre et le poing serré sur la garde de son épée. Autour de lui, les torches s’embrasaient, éclairant les visages crispés de colère des Lunariens et des Noviens. L’un des chefs de la communauté lunarienne, un homme aux traits marqués par la fatigue et la défiance, s’avança.
— Est-ce donc ainsi que Novania traite ceux qu’elle accueille ? Par la destruction et le mépris ?
Atanael plissa les yeux, ses prunelles d’acier se posant sur les décombres fumants.
— Ce marché n’a pas brûlé sous mes ordres, rétorqua-t-il d’une voix tranchante. C’est votre propre division qui l’a consumé. Mais je ne permettrai pas que Skarnjoll devienne le champ de bataille de vos querelles.
Un silence lourd tomba sur l’assemblée. Seul le crépitement des flammes osait troubler l’instant. Puis, du fond de la place en ruines, un pas résonna sur les dalles noircies. Une silhouette émergea de la pénombre : un homme à la stature imposante, drapé dans un manteau de voyage marqué par la poussière des routes. Son visage, sculpté par le vent du Nord, portait la marque de nombreuses batailles.
— Alors peut-être ai-je ma place ici, souffla-t-il d’une voix grave.
Atanael tourna son regard vers l’inconnu, scrutant un instant son port altier et l’éclat dur de ses yeux.
— Qui es-tu ?
L’homme s’approcha d’un pas mesuré, l’ombre des flammes dansant sur son visage.
— Je suis Sigvald Dornir, fils des Exilés, et si Skarnjoll a besoin d’une main forte pour maintenir l’ordre, alors je suis prêt à en être le bras armé.
Un murmure parcourut l’assemblée. Atanael resta un instant silencieux, pesant les mots de cet étranger avant d’esquisser un léger sourire, froid et déterminé.
— Alors prouve-le, Sigvald Dornir. Skarnjoll n’a pas besoin d’hommes qui parlent, mais d’hommes qui agissent.
Et ainsi, sous les cendres encore fumantes du marché, un nouveau héros entra dans l’histoire de Novania.
Shibaya 4 : Le Serment du Loup
La saison des récoltes vit renaître Skarnjoll de ses cendres. Les échoppes se relevèrent, et avec elles, l’ordre nouveau instauré par Sigvald Dornir. Ce dernier, fidèle à son serment, érigea une milice prête à défendre la cité contre toute menace, qu’elle vienne de l’extérieur ou du cœur même de son peuple. Mais l’ombre du conflit restait tapie, et chacun savait que l’avenir de Skarnjoll dépendrait du fer et du sang.
La quatrième Legacy de Shael’thor fut marquée par une succession de tragédies qui affaiblirent encore davantage le royaume. La corruption d’Argone, les attaques incessantes de pillards et une épidémie dévastatrice frappèrent tour à tour les villages et les cités, plongeant la population dans un chaos presque irréversible.
Dreylorn se dressait comme une silhouette noyée dans l’ombre des arbres d'Yrwood, une tache de silence dans la forêt dense de Shael'Thor. Dreylorn ne se remettait pas de la famine de la seconde legacy. La terre, autrefois fertile et bénie par les puits sacrés de Shibaya, semblait désormais aspirée dans un abîme de désolation. Chaque ruelle était vide, chaque maison semblait avoir été avalée par la nuit, et la brume qui émanait de la forêt paraissait étrangère, comme si l’air lui-même avait été corrompu.
Les échos des anciens rires des villageois s’étaient éteints, et seul un vent glacial soufflait entre les troncs des arbres, portant avec lui des murmures que l’on aurait dit venus des entrailles même de la terre. Les oiseaux, jadis abondants, n’avaient plus laissé que le silence. Dans le ciel, un éclat de lune mourante éclairait à peine les contours déformés des ruines de Dreylorn. Tout semblait figé, suspendu entre le monde des vivants et celui des morts.
La corruption d’Argone avait pris racine ici.
Au centre du village, où les puits sacrés jadis étaient une source de vie, une étrange ombre s’étendait. Les rituels qui avaient autrefois béni la terre étaient désormais devenus des cendres. Argone, le dieu de la mort et de la corruption, avait posé son regard funeste sur Dreylorn, et cette terre, naguère si pure, était devenue un foyer de ténèbres. Il n’était plus un simple dieu à craindre, mais une présence palpable, une brume noire qui infestait les esprits, une voix sourde murmurant à l’âme des villageois.
Kaelhor Arzath'zem, un jeune fermier qui avait perdu son père et ses frères aux premières vagues de la famine, se tenait sur le seuil de la maison familiale, une lueur de terreur dans ses yeux. Il ne savait plus combien de jours s’étaient écoulés depuis que la corruption avait frappé son village. Mais il savait une chose : il ne devait pas rester ici.
Des murmures. Ces voix qui semblaient venir de nulle part, mais qui s’insinuaient dans son esprit. Elles lui parlaient, elles le persuadaient, elles le déstabilisaient. Chaque nuit, un peu plus, les ombres d’Argone se glissaient dans son esprit, cherchant à l'envahir. Mais il résistait encore. Pour combien de temps ?
"Pourquoi fuir, Kaelhor ?", chuchotait une voix profonde dans sa tête, un souffle glacé. "Ne vois-tu pas ? La fin est inévitable. Même les dieux ont leurs heures sombres." C’était la voix d’un de ses voisins, Liran, qui n’avait plus qu’une ombre de ce qu’il était jadis. Ses yeux, noirs et vides, n’étaient plus que des puits de malheur. Il errait dans le village comme une marionnette déchirée par les fils invisibles d’Argone.
Kaelhor trembla, se reculant instinctivement, la sueur perlant sur son front. Les souvenirs de Liran, autrefois si chaleureux, se dissipaient dans les ténèbres.
À chaque pas qu'il faisait, la terre semblait se refermer sur lui, le sol devenant plus dur, plus froid, comme si même la nature refusait de le soutenir. Les champs de Drassel, jadis verdoyants, étaient devenus une mer de poussière noire. Les récoltes pourrissaient avant même d’avoir été récoltées, et les animaux tombèrent malades, luttant contre des maladies mystérieuses.
Dans la nuit noire, Kaelhor prit la décision fatidique de fuir. Il s’élança hors de sa maison, traversant la rue déserte, mais en tournant au coin, il aperçut une silhouette. Ilana, la guérisseuse d'Yrwood, se tenait là, la tête baissée, ses bras couverts de signes étranges, comme si elle était devenue une extension de la terre elle-même. Ses yeux brillaient d’un éclat étrange, semblable à celui des étoiles mortes.
"Kaelhor, il est trop tard," murmura-t-elle d’une voix brisée, comme si elle-même n'était plus entièrement vivante. "Argone nous a déjà touchés. Le mal s'est infiltré dans nos âmes. Il n'y a plus de salut ici, ni pour toi, ni pour quiconque. Fuir ? C’est dans l’air, dans les vents. Il t’attend là où tu iras." Elle leva la main, un mouvement presque imperceptible, et une brume noire s’éleva du sol, envahissant l’air autour d’eux. La corruption s’étendait, lente et implacable.
"Non !" cria Kaelhor, se détournant et courant vers les forêts sombres. Mais les voix, toujours là, se renforçaient. Il sentait les ténèbres d'Argone se resserrer autour de lui, des chaînes invisibles, plus lourdes que l’acier, qui lui saisissaient le cœur et l’esprit. Il n’échapperait pas. Peu importe où il irait.
Les terres de Dreylorn étaient désormais une "Zone de l’Ombre". Ceux qui cherchaient à s’échapper n’étaient que des morts-vivants en devenir. Une malédiction inéluctable, un cycle funeste qu'Argone nourrissait dans les ténèbres. Son regard, vaste et glacé, se posait sur chaque créature, chaque homme, chaque âme qui se battait contre sa volonté. Il corrompait, brouillait les esprits et les vies, jusqu'à les ramener sous son joug.
Alors qu'il fuyait dans la forêt, Kaelhor s’effondra sur un sol froid. Là, au cœur des arbres, un cri retentit. Ce n’était pas le cri d’un homme. C’était celui de l’âme d’un homme dévorée par la corruption. Un cri de mort.
Dans le ciel au-dessus de lui, une lueur noire traversa l’obscurité, une silhouette masquée par les ombres. Argone n’avait pas seulement corrompu Dreylorn, il avait réduit le royaume tout entier à l’état de cendres. Et maintenant, ses légions de morts-vivants erraient, traçant leur sillage funeste à travers les forêts et les plaines, semant la terreur et le deuil à chaque pas.
Dreylorn n’était plus.
Et bientôt, ce serait le sort de tout Shael’Thor.
L'air était lourd ce jour-là, chargé d'une tension sourde que ni les chants des oiseaux ni le murmure du vent ne pouvaient apaiser. Eldrastor, déjà pliée sous le poids de la famine, était sur le point de céder à une menace encore plus tangible : des pillards déterminés à achever ce que la misère avait commencé. Rhaegor, capitaine de la garde, scrutait l'horizon depuis les remparts usés de la cité.
« Ils sont là... » murmura-t-il, le regard fixe.
Zahraya, la Shael'maara d’Eldrastor, vêtue d’une armure légère ornée de motifs gravés, s'approcha à grands pas telle une lionne rugissant face à l'orage.
« Et que vois-tu, Rhaegor? » demanda-t-elle, sa voix grave et autoritaire.
Rhaegor se tourna vers elle, sa main crispée sur la garde de son épée. « Une centaine, peut-être plus. Armés jusqu’aux dents. Ils portent des torches. Ils veulent brûler Irkalon. »
Zahraya fronça les sourcils, ses prunelles sombres brillant d’une résolution farouche. Elle se tourna vers un jeune messager à bout de souffle.
« Va prévenir le roi Aethel. Dis-lui que nous ne tiendrons pas seuls. Dites-lui que j'ai besoin de son aide contre une nouvelle attaque sur Eldrastor »
Le jeune garçon s’élança sans demander son reste, tandis que Zahraya se dirigeait vers la place centrale où les habitants s’étaient rassemblés. Ils étaient effrayés, affamés, mais encore debout.
Trois jours plus tard, les troupes royales d’Aethel arrivèrent enfin, menées par le roi lui-même. Son armure d’or, ternie par les combats de Solvor, scintillait faiblement sous le ciel nuageux. En voyant Zahraya, il descendit de son lion de guerre.
« Shael'Maara Zahraya, je vous salue. Après les morts-vivants, c'est au tour de quelques pillards, voyons ce que nous pouvons en faire ! »
Les soldats, inspirés par cette vision d’une noble Shael'Vhaena - noble dame ou guide en zel'thaar - en armure, levèrent leurs lances en criant : « Pour Zahraya ! Pour Aethel ! »
Rhaegor s'avança, son épée à la main. « Alors, faisons-les payer. Que les flammes d’Irkalon ne soient pas un tombeau, mais un cri de défi. »
Lorsque les pillards arrivèrent aux greniers d’Irkalon, la plaine était tapissée de silhouettes armées. Les troupes d’Aethel, épaulées par les miliciens et le reste des guerriers d'élite d’Eldrastor, attendaient, lances pointées vers l’horizon. Zahraya était en tête de la formation, une lance à la main et un regard de fer.
Le premier assaut des pillards fut dévastateur. Des torches furent lancées sur les greniers, et bientôt des flammes s’élevèrent dans le ciel. Mais Zahraya ne faiblit pas.
« Drav'karyn - Drav signifiant combattant et Karyn fraternité - avec moi ! » cria-t-elle, menant une charge audacieuse à travers les flammes.
Rhaegor, à ses côtés, frappait avec une précision mortelle, abattant chaque pillard qui osait l’approcher. « Ces chiens ne passeront pas ! » rugit-il.
Au cœur de la mêlée, Aethel, le roi, se battait comme un lion. Son épée dorée fendait l’air, et chaque coup portait, tranchant des vies ennemies avec une fureur digne d’un dieu.
Mais l’ennemi était nombreux, et les pertes furent lourdes. Zahraya, couverte de suie et de sang, vit un soldat tomber à ses pieds. Elle se pencha pour lui fermer les yeux.
« Ta mort ne sera pas vaine, Karyn » murmura-t-elle avant de se relever pour repousser un autre assaillant.
Lorsque le dernier pillard fut abattu, le silence retomba sur les plaines fumantes d’Irkalon. Zahraya, épuisée mais debout, posa son regard sur Aethel. Le roi était couvert de blessures, mais il tenait encore son épée.
« Nous avons gagné, » dit-il, la voix rauque.
Zahraya hocha la tête. « Oui, mais à quel prix ? »
Des centaines de corps jonchaient le sol. Des pleurs de femmes et d’enfants brisaient l’étrange quiétude. Les réserves d’Irkalon étaient détruites, et la fumée noire montait dans le ciel comme un funeste présage.
Rhaegor s'approcha, posant une main sur l'épaule de sa Shael'Maara. « Vous avez sauvé ce qui pouvait l’être, Shael'Maara. Votre peuple se souviendra. »
Elle le regarda avec gravité. « Il ne suffit pas de se souvenir, Rhaegor. Il faut reconstruire. Il faut leur donner une raison d’espérer. »
Aethel, malgré sa fatigue, prit la main de Zahraya. « Ensemble, nous le ferons. Je jure que les flammes d’Irkalon ne seront pas le dernier chapitre de cette histoire. »
Les semaines qui suivirent furent marquées par des funérailles et des récits de bravoure. Zahraya, surnommée la Lionne d’Eldrastor, devint une légende vivante, un symbole de résilience et de courage. Mais elle, dans son cœur, ne pensait qu’aux visages perdus dans les flammes et à la nécessité de bâtir un avenir où plus jamais ces sacrifices ne seraient nécessaires.
La lune, pleine et argentée, baignait Eldrastor d’une lueur mystique. Le campement des Drav’Karyn, ces redoutables guerriers de la fraternité d’Eldrastor, résonnait des éclats de rire et du tintement des coupes levées à la victoire. Des flammes dansantes d’un immense feu de camp projetaient des ombres mouvantes sur les visages des guerriers et sur les tentes colorées ornées des symboles de leurs clans.
Au cœur de cette nuit victorieuse, la Shael’Maara Zahraya, la baronne du désert, avait décidé de marquer ce triomphe d’une fête mémorable. La noblesse de ses traits, encadrés par de longs cheveux noirs rehaussés de bijoux scintillants, attirait les regards admirateurs des guerriers présents. Mais seul un homme semblait retenir toute son attention : le roi Aethel, assis en bordure du cercle, une coupe d’or remplie de vin à la main.
Vêtu d’une tunique d’un rouge profond, brodée de fils d’or, Aethel paraissait étrangement détendu malgré la lourdeur des batailles récentes. Pourtant, son regard restait rivé sur Zahraya, intrigué par l’aura magnétique qu’elle dégageait.
Alors que les conversations et les chants remplissaient l’air, Zahraya se leva gracieusement. Les murmures s’estompèrent tandis qu’elle s’avançait dans l’espace dégagé au centre du cercle. Une musique envoûtante, jouée par des musiciens Aetheliens et Eldrastoriens, s’éleva. Les percussions graves et les mélodies des flûtes créaient une atmosphère mystique.
Zahraya commença à danser.
Ses mouvements étaient lents, fluides, presque hypnotiques, et pourtant empreints d’une force maîtrisée. Ses voiles dorés, accrochés à ses poignets, s’enroulaient et se déployaient autour d’elle comme des flammes vives. Ses pieds nus effleuraient le sol sablonneux, et chaque pas semblait imprimer une histoire ancienne dans la terre d’Eldrastor.
Les guerriers, d’abord animés par leurs discussions, s’arrêtèrent pour la regarder. Même les Drav’Karyn, connus pour leur discipline et leur stoïcisme, semblaient captivés. Aethel, lui, ne détourna pas le regard. Il suivait chaque mouvement, chaque ondulation de Zahraya, comme si elle menait une danse non seulement avec son corps, mais avec son esprit.
Elle tourna sur elle-même, levant les bras vers les cieux, avant de se rapprocher lentement du roi. Son regard brûlant d’intensité croisa le sien, et l’ombre d’un sourire effleura ses lèvres.
— Roi Aethel, dit-elle doucement, sa voix s’élevant au-dessus du crépitement du feu. Cette danse célèbre non seulement notre victoire, mais l’alliance que nous avons forgée ce jour. Une alliance qui, je l’espère, portera des fruits aussi riches que les terres que nous protégeons.
Aethel posa sa coupe sur le sol, ses yeux ne quittant pas les siens.
— Shael’Maara, votre danse ne célèbre pas seulement la victoire. Elle célèbre la vie elle-même. Vous êtes une flamme, et ce soir, Eldrastor brûle de votre éclat.
Un éclat de malice passa dans le regard de Zahraya. Elle tendit la main vers le roi, l’invitant à se lever.
— Alors venez, Aethel. Dansez avec moi, et laissez le feu nous guider.
Un murmure surpris s’éleva parmi les guerriers. Aethel, connu pour sa réserve, hésita une seconde, avant de se lever avec une élégance naturelle. Les deux figures, roi et baronne, se tinrent face à face. Zahraya se déplaça autour de lui, ses voiles effleurant son armure comme un souffle chaud.
— Vous êtes audacieuse, Shael’Maara, dit-il en un souffle, son regard captivé par le sien.
— Et vous êtes trop sérieux, Majesté, répliqua-t-elle en riant doucement. Une nuit comme celle-ci mérite plus qu’une victoire. Elle mérite un souvenir.
Le jeu de séduction s’installa comme une danse silencieuse entre leurs mots et leurs gestes. Aethel la suivit dans ses mouvements, maladroit d’abord, mais guidé par Zahraya, il trouva un rythme qui leur était propre. Les guerriers applaudissaient et sifflaient, mais pour le roi et la baronne, le monde semblait s’être rétréci au cercle du feu.
Lorsque la danse se termina, Aethel posa une main légère sur celle de Zahraya, son regard profondément ancré dans le sien.
— Cette nuit sera un souvenir, Shael’Maara, murmura-t-il. Mais je me demande… Que restera-t-il lorsque le feu s’éteindra ?
Zahraya sourit, un sourire mystérieux, avant de se détourner, laissant le roi dans l’attente d’une réponse.
Cette nuit-là, sous la lune d’Eldrastor, le feu brûlait non seulement pour célébrer une victoire, mais aussi pour sceller une promesse non dite entre deux âmes fières et intrépides.
La mer s'étendait à perte de vue, un miroir d’acier qui se brisait sur les coques des navires qui prenaient le large. Kaelen, le capitaine du Serpent d’Argent, se tenait à la proue de son navire, le vent balayant ses cheveux noirs comme l’encre. Le ciel, d’un gris sombre, semblait refléter l’atmosphère de tension qui flottait autour de la mer. Les voiles du Serpent d’Argent se gonflaient, emportées par un vent violent qui annonçait la tempête à venir, mais ce n’était pas la tempête qui préoccupait Kaelen, c’était le sort de Shael'thor, son royaume.
Liora, l'espionne d'Aethel retrouva Kaelen au port de Valgor. Elle s’approcha, l’air grave. « Il est important que je monte à Eldrastor voir la Shael'Maara Zahraya pour sauver Valgor ! »
Kaelen tourna un regard sombre vers l’horizon, une lueur de détermination dans ses yeux. « Nous ne pouvons pas laisser la peste s’abattre sur Valgor sans réagir. L’âme de notre royaume repose sur cette ville. Préparez le Serpent d’Argent à lever l’ancre, nous mettons le cap sur Eldrastor, s'exclama t il envers son équipage.»
Des jours plus tard, les rues d’Eldrastor étaient silencieuses, envahies par une atmosphère lourde d’angoisse. Le Serpent d'Argent venait d'accoster. Kaelen décida de se rendre à Brillendal, chercher des indices de la corruption d'Argone. Liora, se glissait vers le Shael'Kaethryn de la cité d'or. Parmi les ombres, ses yeux perçants balayant chaque recoin. Elle était arrivée à la citadelle en quête de son roi et de la Shael'Maara, portant un message crucial sur la situation de Valgor.
Ses pas résonnèrent sur les pavés de la cour du Shael'Kaethryn, où la Shael'Maara Zahraya, toujours aussi imposante et majestueuse, se tenait aux côtés d'Aethel, le roi. Le vent frais du matin soulevait la poussière, comme pour effacer les traces des tragédies récentes.
« Mon roi, Shael'Maara... » s’écria Liora, s’approchant rapidement. Elle avait les traits marqués par le voyage, son corps épuisé. « Je viens de Valgor. Le Cauchemar Gris s'est abbatu sur la cité. »
Les mots tombèrent sur Aethel, comme un coup de tonnerre. La mort venant des marais de Solvor était probablement à l'origine de cette peste. Les barbares de Solvor n'avaient pas brûlé les cadavres et laissaient en décomposition les dépouilles des guerriers d'élites. Son cauchemar effaça sa récente victoire contre les pillards d'Eldrastor. Un instant de silence s’installa, lourd et oppressant, avant que Zahraya ne prenne la parole, Eldrastor doit être protégée à tout prix, après cette bataille, si le Cauchemar Gris se répand ici, Argone sera de retour»
Liora, épuisée par son périple, sentit la pression monter dans l’air autour d’elle. « Eldrastor est sous menace constante, la peste, la guerre, tout se mélange. Nous devons agir avant qu’il ne soit trop tard. »
Aethel hocha la tête avec détermination « Préparez les chevaux. Kaërim retourne à Elvas pour t'assurer que la ville puisse filtrer les éventuels malades. Nous allons à Valgor, là où l’espoir semble s’éteindre. La peste ne fera pas de notre royaume une terre d’oubli. Nous combattrons cette malédiction avec toutes les forces à notre disposition. »
La route vers Valgor semblait interminable. Le sol était aride, la poussière s'élevant dans l’air comme des fantômes errants. Aethel, accompagné de ses meilleurs hommes et de Liora, chevauchait sans relâche, ses pensées hantées par la menace invisible du Cauchemar Gris.
Arrivés aux portes de la ville, la scène qui s’offrit à eux était plus sinistre encore que ce qu’ils avaient imaginé. Les rues étaient dévastées, désertées par des vies brisées. Les corps des malades étaient brûlés en grande hâte, leurs cendres dispersées dans le vent, mais le virus continuait de se propager comme une marée noire.
Aethel, le cœur serré, s’arrêta un instant, ses yeux se posant sur le champ de destruction devant elle. « Liora, » dit-il dans un souffle. « Nous devons sauver ceux qui peuvent l’être. Si ce mal a une origine… magique… nous devons le combattre à sa source. »
Liora, épuisée mais déterminée, acquiesça. « Nous avons peu de temps. Mais je crois que nous pouvons encore renverser le cours des choses. Je vais trouver les prêtres d’Irkay et connaître la vérité sur ce fléau Kael'rohn - mon roi -»
Alors qu'Aethel et Liora s’enfonçaient dans les rues de Valgor, un dernier souffle d’espoir se dessina. La peste n’avait pas encore tout englouti. Mais les ténèbres, portées par Argone, semblaient toujours plus proches. La ville, autrefois bastion de la guerre, était désormais un lieu de souffrance où la peur régnait en maîtresse. Et pourtant, au cœur de cette nuit, une lueur persistait. Celle de la résistance.
Et dans l’ombre, le Serpent d’Argent voguait vers de nouveaux horizons, là où Kaelen, le capitaine perdu, attendait le moment propice pour reprendre son combat.
La bataille pour l’âme de Shael'thor venait de commencer.